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Ode Maritime

lecture dirigée par Ivan Romeuf

: Présentation

Ode Maritime est l’épopée onirique d’un petit ingénieur de Lisbonne, amoureux fou de la mer. C’est le récit d’un voyage aux confins de la réalité d’un langage où Homère et Cendrars se rencontreraient.


(…) Ode Maritime nous entraine au large, nous fait accomplir un prodigieux voyage, grâce auquel nous découvrons tous les insolites paysages que l’océan nous réserve, et, bien, plus encore, les passions, les nostalgies, les désirs de celui qui nous les éclaire… L’imagination s’envole. Le temps s’abolit au cœur de ces vastes étendues où les heures semblent immobiles. A nous les ouragans, les pirates, les grands navires dont les voiles étincelles au soleil. (…)
Extrait de la lettre de Pierre Seghers à l’occasion de la création de « Ode Maritime » par Ivan Romeuf au Théâtre de la Mer (cité internationale. Paris) en Mai 1981.


Tout seul sur le quai désert dans ce matin d’été…
Nostalgie…
Il n’y a que la solitude qui puisse nous guider vers la nostalgie,
Il n’y a que la solitude qui puisse nous prendre par la main et nous emmener en voyage dans l’imaginaire.
Il n’y a que la solitude qui puisse nous amener à rêver, à sublimer notre souvenir, nos souvenirs, nos désirs, nos angoisses, et nous « voyager » vers un monde dont on n’ose pas même prononcer le nom.
Moi le technicien, le « cartésien ».
Moi qui redoute qu’on puisse m’ôter les pieds de la terre ferme sur laquelle je me trouve.
Moi dont l’immensité des vagues de la mer me procure un vertige effrayant et sublime.
Moi, dont chacun des pas est guidé par la conscience de la forme et du fond.
Qui ne souhaite que regarder et entendre des voyages immobiles, Moi qui crains la plus petite piqûre de moustique, qui fuis les araignées comme les hérissons, qui ne supporte ni la vue du sang comme celle des cancrelats.
Moi dont chaque goutte de sueur plonge dans l’angoisse d’une perdition de mon corps, comme la liquidation de mon esprit.
Je regarde du côté de la mer,
Je regarde et suis content de voir tout petit noir et clair un paquebot entrer.
Mon esprit s’évade, prend le large, surfe sur les vagues vagues de mon esprit racorni par trop de civilisation, esclave de trop d’interdits, brisé de trop de garde-fous.
Comme s’il l’on pouvait mettre en cage, en scène, en espace la folie. Et en moi un volant se met à tourner lentement.
S’éveiller à la vie maritime, aux abysses, abîmes de la mer.
Être tous les pirates, tous les bateaux qui sillonnent les mers, être tous les ponts des navires, être toutes les femmes qui furent enlevées, violées, tuées, martyrisées sur les navires, être les mers et les flots, être toutes les îles visitées par les pirates.
Être le bateau et les voiles.
Être, enfin, le marin fatigué et ivre de toutes les tempêtes, de toutes les tavernes, de tous les vins ingurgités dans des nuits de contes et de délires éthyliques, où le mensonge remplace l’imagination éteinte.
Et s’asseoir, calme et serein, en bout de quai, où le matin entre avec le paquebot, et que partout s’éveille la vie maritime, que se lèvent des voiles, qu’avancent des remorqueurs, que surgissent de petites barques d’entre les navires du port.
Alors, heureux mais épuisé, laminé et anéanti, malaxé, réduit à mon pauvre corps d’immobile, en moi le volant doucement ralentit sa course et s’éteint.

Ivan Romeuf

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