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: Note d’intention : un entretien avec François Duval

Le spectacle Vilar : Notes de service a été créé en 1996, quelles sont les origines de cette seconde naissance et pourquoi cette recréation en 2014 ?


Le spectacle a en effet été créé en 1996 au Théâtre de Suresnes Jean Vilar et repris au Théâtre National de Chaillot en 1997. J’en ai enregistré le texte pour France Culture en 2006.
Je le porte en moi depuis de nombreuses années. Comme beaucoup de textes que j’ai adaptés et joués. On m’a offert la possibilité de recréer les Notes de service récemment.
Sortant d’un spectacle totalement différent (Où j’ai laissé mon âme de Jérôme Ferrari) sur le plan de la partition et de la couleur, j’ai trouvé l’opportunité intéressante. Confronté de manière permanente aux difficultés de création dans la configuration d’une petite compagnie de théâtre qui est la mienne, je me retrouve forcément à l’intérieur des Notes. Chacune d’elles fait écho au travail d’artisan que je réalise au sein de ma compagnie.
Elles me confortent dans une certaine idée de la manière dont on doit fabriquer du théâtre, qu’au fond je ne suis pas malheureux d’affirmer en public. Il y a certainement une forme de protestation dans ce geste…


Par rapport à la création qui était un spectacle, pourquoi avez‐vous choisi ici une forme qui semble s'apparenter, tout au moins au tout début, à une lecture-­spectacle alors qu’on vous connaît pour vos incarnations de personnages, avec un sens de l’engagement parfois extrême voire caméléonesque ?


Contrairement à l’origine où j’avais dirigé un acteur qui incarnait Vilar, il me semblait plus crédible de mettre la parole à distance, grâce à l’objet scénique de la brochure, pour mieux la restituer. Je voulais isoler cette parole pour mieux la faire entendre, pas l’emprisonner dans une pâle imitation que peut induire l’incarnation. J’ai alors travaillé sur les Notes avec à l’esprit l’idée du chœur ou du messager, même si, à force de lectures et de relectures, ma proximité de comédien avec les textes m'a porté à faire chair des mots. En scène j’en oublie donc très vite cette fameuse brochure ! La parole de Vilar ne peut se passer totalement d’incarnation car c’est une voix d’adresse, pas seulement de réflexion.


On vous connaît aussi pour vos spectacles aux formes épurées, presque dans un saisissement de l’essence même du texte et de la forme entrelacés. Des critiques du Monde et de Marianne ont évoqué Jean Vilar en parlant du dépouillement esthétique de votre dernier spectacle. Ce spectacle semble être une parfaite synthèse entre cette filiation dont on vous pare et la parole de Vilar qui embrasse toutes les vicissitudes et les bonheurs d’un artisan­‐créateur…


En effet, Vilar dit : « il suffit d’un ou deux gestes, un rien et du texte, d’un texte vrai et beau. Et le reste passe. ». Pour moi, ce n’est en rien une recette. Bien que le peu de moyens m’ait contraint à privilégier le texte et le jeu. Mais cette absence de moyens m’a toujours convenu, elle va dans le sens de ma sensibilité… J’ai pensé les Notes de service dans un lieu quasi imaginaire qui évoque une salle de spectacle dans laquelle on perçoit encore la rumeur d’une agitation passée. Les sièges sont recouverts. On pourrait penser qu’ils ont accueilli un public pendant des centaines de représentations. Un homme, un passeur, raconte ces représentations à travers les Notes de service. Cette scénographie de fin de partie est enrichie par une création lumière ainsi qu'une création sonore qui font également leur œuvre scénographique, tel un rêve qui va et vient entre la matérialisation d’un décor et l’esprit de la pensée de l’auteur.


Depuis quelques années, des metteurs en scène comme Olivier Py font à nouveau sonner la parole et l’ œuvre de Vilar , non pas dans une nostalgie, mais pour éclairer la question de la place du théâtre dans la Cité et de son fonctionnement économique. Comment vous positionnez‐vous, vous en recréant les Notes ?


On se réfère plus à Vilar aujourd’hui qu’il y a vingt ans, il me semble. Peut-­être a-t-­on besoin dans un monde en crise et particulièrement dans celui du théâtre de retrouver une forme d’éthique à travers son expérience de chef de troupe. Mais pour moi, Vilar a toujours été dans mon paysage et a toujours imprimé son exigence dans ma tâche d’acteur et d’animateur de compagnie, à savoir : servir les textes.

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