Entre l’Infant et l’Enfant

Não não , c’est l’histoire d’un Infant, celui qui n’a d’existence que par ses parents, ceux qui l’ont conçu et le conçoivent encore par le prisme de leurs propres croyances et fantasmes : éduquer, faire connaître et respecter les règles, montrer quels bons parents ils sont, quel bel enfant ils ont fabriqués.

Comment Não passera-t-il de cet état d’Infant à celui d’Enfant, habité de désirs qui lui sont propres, capable de dire Non.

Não, c’est l’histoire d’une émotion, vécue jusqu’au fond du fond, endiguée par les refus. Elle finira par s’écouler fluide, traversant tour à tour et pareillement emportés, ballottés, l’enfant, son père et sa mère.

Au début, une boule blanche, posée au milieu d’un champ d’argile jaune. Puis Não apparaît, pétrit des mains des comédiennes.

« La fragilité est une caractéristique commune à tous les trésors de l’enfance. Qu’il s’agisse de poupée, de mie de pain ou de coquelicots, de roses en peau d’orange, de feuilles dentelles, presque tout ce que l’on fabrique est essentiellement éphémère, le prix n’en est que plus grand. »
Marie Rouanet

Entre appétit et interdit

Dans le macrocosme des matières interdites,
des substances fascinantes,
des poussières volantes,
le petit s’invente des virées incorrectes,
salissantes, barbares !
Il vit au centre de lui-même et au centre du monde qui s’offre à lui.

Mais voilà que l’adulte s’en mêle :
la main s’empare du chiffon sale,
le gant de toilette débarbouille les peintures rupestres,
la serviette efface les chemins de randonnée ou l’enfant aime tant s’égarer,
le coup de balai ramasse les montagnes de farine,
la neige blanche et douce vole dans un rayon de lumière volée,
là, sur le carrelage de la cuisine.

Dans la tourmente de ce grand balayage,
les émotions du petit enfant virevoltent comme la poussière dans la lumière.

La liberté d’agir côtoie la frustration.
Le faire se cogne à la frontière.

A travers un jeu de construction et de démolition
Não Não raconte le monde sans paroles du tout-petit
en prise avec ses émotions,
le trouble de l’adulte face au silence de son enfant,
le chemin à parcourir pour comprendre,
pour se comprendre.

Un jeu de matière pour dire l’indicible

Le regard focalisé sur la main,
le geste de la main dans la matière.

Pour faire exister les personnages du spectacle,
deux comédiennes manipulent la matière sous toutes ses formes ;
terre crue, barbotines, poudre de kaolin blanc, talc, eau fraîche.
Une matière brute, d’où émergera de fragiles marionnettes d’argile,
le temps d’une histoire à dire.

Les différents états de la matière argile

Quand nous parlons de la manipulation de l’argile,
nous parlons de ce qui en résulte pour raconter,
pour composer un spectacle.
La manipulation de l’argile requiert une connaissance de la matière,
en particulier sa plasticité,
sa qualité de grain pour l’impression,
sa résistance aux mouvements, à l’étirement,
sa capacité à garder l’eau.
La terre est ainsi préparée minutieusement avant le jeu,
suivant la malléabilité désirée.

Matière sonore
Pour exprimer au plus juste la musique de ce personnage,
nous avons exploré le son de l’argile, de l’eau, des cailloux.
la sonorité des mots, le rythme des phrasés,
le parlé, chanté, murmuré, soufflé des comédiennes,
le mélange des langues (français, brésilien).

Des ingrédients choisis pour fabriquer une matière sonore sensible à la hauteur des grandes émotions qui traversent l’histoire de Não.

Dispositif scénique

Un cercle délimité par un tressage en bois.
A l’intérieur de cet espace, un gradin soigné, conçu pour les enfants et pour les adultes.
Une sorte d’arène intérieure pour enfant.
Un mini amphi-théâtre en bois et en métal,
précisément travaillé.
Un objet qui incite à grimper, à s’installer.
Un objet éclairé qui invite à s’asseoir.

Devant ce gradin, une table de jeu,
comme un morceau flottant fait dans le même bois,
comme un prolongement.
Une table scène courbe,
le plateau de jeu des deux comédiennes
Sur la table de jeu, un champ d’argile jaune,
un champ d’argile « archéologique »,
d’où émergera l’histoire « Não, Não ».