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Moby Dick, une obsession

Vincent Reverte ( Conception ) , Pascal Reverte ( Conception )


: Présentation

Moby Dick, une obsession est moins une adaptation qu’une variation autour du chef-d'oeuvre de Melville. Un texte comme un écho à l’œuvre d’origine, un texte qui prend sa source dans le roman mais qui s’en éloigne en n’en respectant pas la chronologie, en s’affranchissant des péripéties et du naturalisme.


C’est à un voyage immobile que Moby Dick, une obsession nous invite. C’est une enquête dans la mémoire d’Ismaël. La véritable aventure n’étant pas ainsi de chasser la baleine blanche, mais de parvenir à s’en souvenir et à la raconter.


De même que Vladimir a besoin d’Estragon pour se souvenir qu’il attend Godot dans la pièce de Beckett, Ismaël a besoin d’Elie pour tenter de reconstituer le puzzle de cette tragique chasse à la baleine.


Le personnage d’Elie n’apparaît que dans un seul chapitre du roman : tel un prophète, il prévient Ismaël des dangers qu’il y a à embarquer sous les ordres d’Achab, aveuglé par sa haine et son envie de vengeance obsessionnelle envers cette baleine blanche qui lui a dévoré sa jambe lors de leur première confrontation.


Dans notre variation il devient l’ombre qui accompagne Ismaël dans son périple. Celui par qui la révélation du passé peut arriver.


La baleine blanche, Achab ne sont donc plus que des souvenirs. C’est ainsi que poursuivants et poursuivis fuient un océan sans bord et qu’Elie et Ismaël rejouent indéfiniment des bribes de leurs vies passées. Mais leur mémoire est incertaine, incomplète, fragmentée et leur récit immanquablement sinueux et contradictoire.


L’expérience extrême qu’ils vivent – ou ont vécue – altèrent, en effet, leur degré de conscience et leur donne parfois l’impression que ce qu’ils nomment souvenir est de l’ordre du rêve. Et ce ne sont pas tant les rêves que les tableaux erronés de la réalité qui sont trompeurs. Un souvenir (réel ou rêvé donc) représente un besoin et une impulsion intérieurs. Contrarié ici, il attaque là. Alors, le présent, le passé et le futur se juxtaposent sans qu’ils soient certains de parvenir à se souvenir de tout, ni que ce dont ils se souviennent soit vrai.
Ils attendent donc. Pas Godot ! Leurs souvenirs. Et cette baleine blanche. Cette Moby Dick qui n’obsède pas seulement Achab.
Ils sont littéralement contaminés par son obsession qui devient leur obsession. Une baleine blanche qui se dresse aussi devant eux, comme si chacun avait finalement la sienne. Moby Dick et le souvenir de Moby Dick sont à l’opposé de la madeleine de Proust : un souvenir douloureux, blessant, qui a marqué au fer rouge les esprit et les âmes. Moby Dick est inscrite en chacun d’eux comme une cicatrice mal refermée, dont on s’étonne de la profondeur. Et comme le lépreux qui soulage son mal en se grattant, ils n’ont de cesse de rouvrir cette cicatrice.
Elie et Ismaël, seuls habitants d’un monde oublié. Un monde hostile entre passé et présent, entre souvenir et amnésie, entre rêve et réalité.
Elie et Ismaël seuls sur un ponton où peut-être jadis ils embarquèrent pour partir pécher la baleine. Un ponton qu’ils hantent depuis si longtemps que même l’eau autour s’est retirée. Un ponton où inlassablement ils rejouent ce dont ils se souviennent à peine : leur version de Moby Dick, cette obsession.

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