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Accueil de « Menschel et Romanska »

: La grandeur de la petitesse humaine

Menschel et Romanska ont fait connaissance par téléphone (en célibataires endurcis, on imagine qu’ils épluchent les petites annonces…). La voix de Romanska a séduit Menschel, qui s’imagine déjà tourner le dos à la solitude en rencontrant la femme de ses rêves. Malheureusement, cet espoir ne survit pas au premier regard. Il n’est pas de miracle en ce monde : on n’échappe pas à son propre miroir ! Or, Menschel et Romanska, pris dans le jeu social des convenances, sont condamnés à passer le samedi soir ensemble, à boire la coupe jusqu’à la lie et se haïssent pour n’avoir pas trouvé en l’autre la rémission d’une vie médiocre et sans avenir. Ils se savent être le destin l’un de l’autre et ne s’y résignent pas. L’énergie qu’ils ne mettent pas à transcender leur condition d’insecte humain, ils la dilapident en de vaines mesquineries, car, ainsi que le constate Levin : «il est là le terrible paradoxe : comme elle est grande, la petitesse humaine».


Daniel Kenigsberg a eu le coup de foudre pour cette nouvelle, qui m’est apparue comme un concentré de la poétique levinienne. L’évidente oralité de l’écriture, l’entrelacement des points de vue, la structure en forme de démonstration scientifique nous ont immédiatement donné le désir d’en restituer la théâtralité. Laurence Sendrowicz s’est jointe avec enthousiasme à l’aventure. Dans l’adaptation pour la scène, nous avons instauré le syle direct et placé l’histoire au présent, afin que celle-ci se déroule en temps réel. Si l’humanité décrite par Levin fait assaut de bassesse à l’échelle de l’individu, elle est comme rachetée par la générosité de l’écriture ; celle-ci témoigne au niveau collectif du désir de s’en sortir, d’inventer un destin et une vie meilleure. Quelle plus nécessaire définition du théâtre ? Il fallait un comédien pour donner une dimension universelle à ces voix apparemment discordantes et isolées, pour incarner cette humanité malade d’elle-même et nous renvoyer en miroir l’image de notre besoin de consolation, donner chair à cette vision prophétique par laquelle Levin conclue Menschel et Romanska : celle d’un âge d’or retrouvé, d’une éternelle enfance, d’une humanité au commencement... Cette photo de bébé que chacun conserve dans son portefeuille ou dans l’album de famille, ce sourire confiant devant la vie, ce visage que Romanska, accédant par delà le pathétique à une grandeur tragique, appelle son «vrai visage», et qui est aussi celui de Menshel et de nous tous…


Pour donner vie à cette démonstration «en miroir du spectateur», nous avons opté pour un dispositif des plus simples, adaptable à toutes les configurations, privilégiant la proximité avec le public. Par la présence d’un comédien seul en scène, Menschel, ce «petit homme», nous entraîne dans un parcours initiatique où la farce cruelle se fait comédie humaine.

Olivier Balazuc

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