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Marion de Lorme

+ d'infos sur le texte de Victor Hugo
mise en scène Éric Vigner

: Présentation

En 1998, Vigner travaille à partir des différentes moutures qui ont précédé la version définitive de la pièce de 1831. La première version de Marion de Lorme, écrite par Victor Hugo en 1829, à l’âge de 27 ans, n’a jamais été jouée pour cause de censure.


« Après l’admirable révolution de 1830, le théâtre ayant conquis sa liberté dans la liberté générale, les pièces que la censure de la restauration avait inhumées toutes vives "brisèrent du crâne", comme dit Job, "la pierre de leur tombeau", et s’éparpillèrent en foule et à grand bruit sur les théâtres de Paris, où le public vint les applaudir, encore toutes haletantes de joie et de colère. C’était justice. Ce dégorgement des cartons de la censure dura plusieurs semaines, à la grande satisfaction de tous. La Comédie-Française songea à Marion de Lorme. Quelques personnes influentes de ce théâtre vinrent trouver l’auteur ; elles le pressèrent de laisser jouer son ouvrage, relevé comme les autres de l’interdit. Dans ce moment de malédiction contre Charles X, le quatrième acte, défendu par Charles X, leur semblait promis à un succès de réaction politique. Ce fut précisément cette raison, "la probabilité d’un succès de réaction politique", qui détermina l’auteur à garder, pour quelque temps encore, son ouvrage en portefeuille. »
Victor Hugo, Extrait de la préface de Marion de Lorme, 1831


Hugo veut faire un théâtre utopique, c’est-à-dire un théâtre qui veut tout, la chose et son contraire. À partir du moment où le paradoxe est inscrit si fortement dans la pièce, on se heurte au problème de la représentation. Au XIXe siècle, la forme de représentation quasi-naturaliste ne pouvait correspondre au théâtre de Hugo dominé par l’imaginaire, le fantastique, le symbolique. Ce théâtre est tellement hors d’échelle qu’aujourd’hui, on ne peut que proposer des tentatives de représentation car le "tout" est impossible à "jouer". C’est l’essai qui est intéressant et qui m’intéresse. On ne peut que montrer comment ce théâtre s’élabore, comment il s’écrit ; comme si le théâtre romantique inventait avant l’heure une certaine forme de distanciation. C’est un théâtre dans lequel le spectateur travaille : des questions lui sont posées et c’est à lui de les résoudre. Le théâtre de Hugo est très ouvert. Il propose une vision de ce qu’est le monde ancien et de ce que pourrait être le monde nouveau, l’affirmation libre du moi. Et cela n’implique pas de choisir le monde romantique contre le monde classique puisque les romantiques veulent tout. À ce propos, le parcours de Marion de Lorme est édifiant ; je crois qu’elle découvre sa vérité au cœur même de l’illusion, dans l’expérience concrète du théâtre qu’elle vit, quand elle joue Chimène. Le théâtre agit ici comme révélateur de la conscience, pour reprendre les paroles d’Hamlet : "Le théâtre révélera la conscience du Roi."
Éric Vigner


« Les mots qui sortent de cette ombre-là ne sont pas plus de l’histoire que de la représentation, c’est une forme active qui va directement dans l’oreille et y souffle de l’énergie. Le spectateur - sitôt qu’il est dans ce flux - ne regarde plus évoluer les figures du mélo romantique que Marion de Lorme lui paraissait encore à la lecture : il se laisse faire par les voix, il croit même les voir qui passent à travers le tulle devenu filet à paroles. En réalité, suspendu au rythme et scandé en lui-même comme si son cœur battait à présent dans l’espace, il découvre que l’action n’est pas dans le perpétuel va de l’avant qui vous mange la vie, mais dans l’accueil, l’imprégnation, le face à face du visage avec le vent de la langue. L’étrange - mais la chose ne paraîtra telle que plus tard, à l’heure du souvenir et non pas du spectacle, à l’heure de comprendre, qui a son lieu dans l’absence et non dans le sentir - l’étrange est de constater qu’Éric Vigner a scrupuleusement respecté le poème dramatique, vers par vers, et que ce respect suffit à effacer le mélodrame. Le livre est silencieux. Qu’en est-il de la scène mentale ? Y règne-t-il une retenue qui conduit le verbe à se draper dans son abstraction comme si l’idée n’avait pas son lieu dans le corps ? Cette Marion d’Éric Vigner ramène le théâtre dans la bouche et même sur la langue : là, tout naturellement le verbe se dévoile et, par l’effeuillement des syllabes, crée en nous une crudité qui déchaîne... »
Bernard Noël

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