Loin d'Hagondange doit à son passage au Théâtre Ouvert d'Avignon en 1975 d'avoir été remarqué et apprécié par Michel Dubois qui décide de sa création par la Comédie de Caen. C'est alors l'auteur qui en assure la mise en scène.

Loin d'Hagondange est une parfaite réussite dans son genre, sans qu'on s'en doute très périlleux: celui de la peinture de la vie quotidienne, dans sa grisaille, quand ce sont de petites gens qui s'y usent. Ni théatre-document, ni tranche de vie- le décalage est subtil- et pas le moins du monde saignante. On se prive de toute péripétie; simplement, on n'arrive plus à être: la détresse est intériorisée, à peine consciente. Or Jean-Paul Wenzel ne laisse pas un moment notre attention se détacher de cette fin de trajectoire d'une vie de labeur. La campagne corrézienne, loin d'Hagondange, où il pensait couler heureux ses derniers jours, accable de désoeuvrement le vieil ouvrier de la sidérurgie lorraine à qui on n'a jamais demandé ni appris qu'à forger. Sa femme qui ne voit personne s'ennuie. Le silence pèse. Ils se sont aimés, ils s'aiment. Le sujet de la pièce c'est le vide de cette vie de retraités à la campagne et sans un mot de révolte ou de contestation, elle met en accusation notre société: c'est là ce qu'on fait d'eux.

Discret, pudique, tout en nuances, d'une langue simple et naturelle, Loin d'Hagondange est interprété avec une merveilleuse justesse par Andrée Tainsy et Maurice Juniot