Le monologue

Une femme seule dans sa chambre, Liane, évoque son amant africain mort noyé. Liane nie sa mort et s’accroche jusqu’à la folie à l’idée de son retour.

Liane est encore jeune. Liane est pleine d’un amour adolescent, inachevé. C’est un animal traqué : elle est traquée par sa propre histoire, par ses souvenirs, par le monde extérieur qui lui est inconnu.

Liane voit apparaître dans sa chambre – comme par magie – des flacons de diverses couleurs. Elle pense que son amant lui offre ces flacons, qui sont autant de souvenirs. Ils agissent à la manière de révélateurs de son histoire. Histoire qui se reconstruit par fragments. Ses souvenirs et ses fantasmes la conduisent de La Louisiane à l’Afrique, puis autour du monde. Elle devient photographe. La « bataille » de Liane, sa guerre personnelle, entre en écho avec les événements et les lieux qu’elle photographie. Son histoire (banale et quotidienne) est mise en perspective par l’Histoire.

Cette confrontation au monde lui est salutaire. Elle permet à Liane de se libérer de son passé. C’est malgré elle, qu’elle parvient à envisager une autre vie sans celui qu’elle a aimé absolument. Elle arrive d’ailleurs à la conclusion que la vie est ce qui nous arrive quand on fait autre chose.

Cette histoire est celle d’un affranchissement, comme on le disait des esclaves.

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NOTES D’INTENTION

Le monologue est envisagé comme une performance pour une comédienne et un musicien. Le lieu de représentation est le musée d’art moderne et contemporain de Genève. L’espace scénique est constitué de planches posées sur des bouteilles pour former un rectangle clos. Une passerelle lie l’espace clos et le reste du plateau. 900 bouteilles en verre sont disposées sur l’ensemble du plateau. Rien n’est fixé et nous jouons avec les déséquilibres mis en jeu par la scénographie. L’espace de Liane, le personnage, est instable, comme l’est le décor. La fragilité des bouteilles en verre fait écho à la fragilité de Liane.

La performance : la comédienne a des capteurs de mouvement placé sur le corps. Chaque geste, chaque déplacement, produisent des données qui sont transmises par un réseau sans fil au musicien. Les informations liées au différents capteurs permettent de modifier la musique en live. La musique ici est non-narrative et le travail du musicien s’élabore à partir de textures sonores.

MISE EN SCENE

« J’aime le personnage de Liane à la fois excessif, adolescent, et simple, voire brut. La question que nous pose la pièce, comment faire le deuil d’un être aimé, est universelle. Et quand bien même le parcours singulier et sensible de Liane, reste profondément individuel, il parvient à nous émouvoir. Son récit a un caractère allégorique.

Le monologue est construit sur une forte opposition entre intérieur et extérieur, entre imaginaire et réalité, entre l’histoire personnelle de Liane et l’histoire des êtres humains, similaire ou pire. Outre l’exploration des symboles plus ou moins évidents qui sont à l’œuvre dans la pièce (Liane est, par exemple, littéralement aliénée à son nom, à son histoire – la comédienne est liée par les capteurs), je veux mettre en jeu la manière dont Liane se libère de son passé. Cette lutte passe d’abord par le langage, mais c’est aussi une lutte physique de la comédienne avec les accessoires ou avec le costume. C’est une des raisons du choix de placer des capteurs de mouvement sur son corps. Il s’agit d’être au plus près d’elle, visuellement, et musicalement.

Il m’importe de permettre au spectateur de considérer aussi bien l’aspect fantasmatique du récit de Liane que son aspect réel. Pour moi, il n’est pas important de savoir si les événements rapportés par le personnage sont réels ou non, c’est-à-dire s’ils se sont déroulés dans sa tête ou quelque part dans le monde ; ce qui m’importe de montrer, c’est un chemin qui conduit à une libération. Revenir à soi mais reconnaître une autre, nous dit Liane. »

Eric Devanthéry