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Les Mains sales

+ d'infos sur le texte de Jean-Paul Sartre
mise en scène Philippe Sireuil

: Note d’intention

Vous dites Jean-Paul Sartre. Vous ajoutez, son théâtre. Vous précisez Les mains sales. Et votre interlocuteur semble vous regarder en se demandant quelle mouche vous a piqué, comme si revenir vers l’une des pièces les plus emblématiques du théâtre français des années cinquante vous conduisait fatalement dans une impasse, celle d’un théâtre désuet et d’un temps révolu qui n’auraient aujourd’hui ni enseignement, ni plaisir à nous donner.


Et votre interlocuteur de critiquer la pièce, disant qu’elle fleure bon le classicisme, qu’il s’agit d’ailleurs plus d’une démonstration au service d’une thèse que d’une pièce, d’affirmer que les personnages qui la composent ne sont que des schémas ou des idées et qu’ils n’ont aucune identité singulière, et d’ajouter qu’elle fut créée par des acteurs issus du boulevard, et que l’auteur en fut satisfait, (c’est dire …)


Vous ne répondez rien, vous laissez dire, persuadé qu’il se trompe, et pourtant incertain, vous relisez la pièce. Et vous vous dites justement qu’elle déroge au classicisme, qu’elle échappe à un genre spécifique, qu’elle relève à la fois du Lehrstück brechtien, de la tragédie, de la comédie, voire même parfois du vaudeville et du drame historique, que la combinaison des genres offre à notre regard d’aujourd’hui un matériau d’une belle richesse et un beau défi pour la mise en scène ; que Marguerite Duras disait assez juste quand elle pourfendait la pièce en la qualifiant de « courtelino-shakespearienne » ; que, s’il faut, pour que le théâtre advienne, « une catastrophe, un crime, une promesse non tenue, une passion contrariée, un conflit, une offense, un déni de justice, un malentendu, un abus de pouvoir, une attente déçue, la violation d’un interdit, un travers, un accident, un déficit, une trahison, un reniement, une exclusion, une tromperie, une machination, un empêchement », pas de doute, Les mains sales, c’est bien du théâtre.


Vous vous dites qu’Hugo, l’assassin qui a dans sa valise pistolet et photos d’enfance, et partage avec le Lorenzo de Musset le goût de l’autodestruction, est justement une entité singulière, un être de chair et de sang, un « personnage » non réductible à une idée ; que Jessica, la femme-enfant qui s’accapare la douloureuse candeur de la Camille du film de Godard, qu’Olga, l’icône militante qui s’élève au rang d’une trempe cornélienne tant l’amour et l’obéissance la ravagent, et qu’Hoederer, l’ « homo politicus », l’emblème du père entre mort et désir et désir de mort, sont de la même veine, des figures théâtrales fortes et contradictoires qui échappent au seul entendement.


Vous découvrez que la pièce de Sartre a failli porter le titre Crime passionnel, que c’est la phrase de Saint-Just, « Nul ne gouverne innocemment », et l’assassinat de Trotski qui furent les déclencheurs de l’écriture. Vous vous dites qu’elle dépeint un monde où la saleté abrite l’honnêteté, l’idéalisme la folie meurtrière, et l’humanisme la compromission, que Sophocle y côtoie le boulevard et le polar, que l’action a beau se passer en Illyrie, vous ferez vôtres les mots de Jarry à propos d’Ubu et de la Pologne. Et que ce « tout » composite décrit durant trois alinéas vous parle, vous brûle, vous interroge, vous anime, et vous inquiète.


Vous vous dites enfin que c’est cette parole, ce feu, cette interrogation, cette excitation, cette inquiétude que vous voulez faire partager aux acteurs que vous réunirez, aux spectateurs à qui vous vous adresserez.


Vous n’avez plus qu’un objectif : mettre en scène Les mains sales.

Philippe Sireuil

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