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Les Enfants

+ d'infos sur le texte de Edward Bond traduit par Jérôme Hankins
mise en scène Gilles Martin

: Présentation

L’ARCHITECTURE DU PROJET


Le principe du projet mené par la compagnie Point de Rupture en Ile-de-France depuis avril 2006 est de mettre en scène Les Enfants de Edward Bond, pièce de théâtre destinée à la jeunesse écrite pour deux comédiens professionnels et une quinzaine d’adolescents (de 12 à 18 ans) et de présenter cette pièce dans plusieurs villes avec un groupe d'adolescents nouveau dans chaque ville.


La singularité de ce projet est de structurer autour d’une création artistique qui implique artistes professionnels et adolescents, une dynamique sociale favorisant la créativité, les liens entre le théâtre et la Cité, l’échange, la responsabilité et l’acuité au monde contemporain.


Création initiale à Mantes-la-Jolie


A l’issue d’une résidence de création début 2006 au Collectif 12 à Mantes-la-Jolie (78), l’équipe artistique de la compagnie Point de Rupture : deux comédiens, un metteur en scène, un scénographe, un concepteur son, un concepteur lumières, une costumière, et 13 adolescents de Mantes-la-Jolie, ont créé la pièce Les Enfants.
Cette première création a donné lieu à 3 représentations du 4 au 6 avril 2006 dans le cadre des FRANCOS 2006 (Festival International des Arts de la scène pour la jeunesse) à Mantes-la-Jolie.


Les créations satellites


Le processus de création du spectacle est ensuite renouvelé dans plusieurs villes avec, à chaque fois un nouveau groupe d’une quinzaine d’adolescents et une partie de l’équipe artistique (les deux comédiens, le metteur en scène et la costumière, le régisseur général).
Le stage de création qui réunit 15 adolescents se déroule sur 12 ateliers répartis sur les vacances scolaires et/ou les week-ends et aboutit à une courte série de représentations, scolaires ou « tout public » : 3 représentations au minimum.


Ce principe de re-création de la pièce permet à un plus grand nombre d’adolescents de participer à l’aventure : 43 adolescents en 2006, 75 adolescents prévus en 2007.


La création de la pièce dans plusieurs villes permet également de moduler le projet, de le réévaluer, de l’approfondir. Chaque ville est le terrain d’une expérience unique et singulière : Les Enfants de Mantes-la-Jolie, Les Enfants de Palaiseau, Les Enfants de Brétigny/Morsang ...


Susciter chez les adolescents une démarche de création


La durée volontairement restreinte du stage de création (12 ateliers répartis selon les villes sur une période de 1,5 à 4 mois) correspond à la singularité du projet. Rappelons qu’il ne s’agit pas de former des comédiens, mais plutôt de susciter chez les adolescents une démarche de création et d’initier un autre rapport aux artistes et à un texte de théâtre, en leur proposant l’aventure d’un spectacle professionnel.


Tout au long du stage, créativité, écoute, sens de la responsabilité et autonomie des adolescents sont sollicités :

  • par la découverte du texte dramatique et son appropriation à travers la voix et le corps,
  • par la composition de leur costume à partir d’une garde-robe proposée par la costumière,
  • par la manipulation de certains éléments de décor pendant les représentations.

Développer le lien entre le théâtre et la Cité


● par la proximité des adolescents-comédiens avec les spectateurs : parents, amis ou camarades de classe qui ne fréquentent pas régulièrement le Théâtre et viennent voir la pièce. Au-delà de l’aventure artistique et humaine pour les quinze jeunes gens, le spectacle propose de découvrir un texte du théâtre contemporain qui s’adresse à tous, en particulier à un public trop souvent ignoré par le spectacle vivant : les adolescents.


● par la constitution dans un esprit de mixité du groupe d’adolescents participant au spectacle : dans chaque ville, le spectacle est créé avec des adolescents, issus de tous les milieux, qui n’ont aucune pratique du théâtre ou qui ont déjà suivi des cours. Le groupe de 15 adolescents est constitué en partenariat avec la structure d’accueil et en relais avec :

  • les enseignants des lycées et collèges de la ville,
  • les associations de quartiers,
  • les ateliers de théâtre de la structure d’accueil.

● par la rencontre amateurs / professionnels : les adolescents suivent toutes les étapes de la création : répétitions, filages techniques, générale et représentations, en compagnie des deux comédiens professionnels qui partagent avec eux l’expérience du plateau.


● par la rencontre adultes / enfants :

  • à travers la thématique de la pièce,
  • sur le plateau entre les adultes de la compagnie et les adolescents comédiens,
  • dans la salle de spectacle où se joue un texte qui s’adresse autant aux adultes qu’à la jeunesse (à partir de 12 ans).

Favoriser une conscience citoyenne


A partir du texte de la pièce, les adolescents sont invités à improviser. Cette démarche pédagogique impose de comprendre les articulations et les enjeux de chaque scène avant d’en restituer la situation. Le jeu n’est plus seulement reproduction, mais imagination cadrée par l’entendement.
Pièce d’apprentissage, tant pour les jeunes comédiens que pour le public, Les Enfants invite par la médiation des adolescents-comédiens à une réflexion sur le monde d’aujourd’hui : la nécessité de la justice dans une société où la perte du lien social fait place à la violence, l’importance des notions de partage et de solidarité, la logique consumériste et ses conséquences sur l’avenir écologique de la planète.




POURQUOI LES ENFANTS ?


Réunir le geste pédagogique et le geste artistique


Au départ de ce projet, il y a le parcours de ces sept dernières années pendant lesquelles j’ai mis en scène des textes d’auteurs contemporains et parallèlement animé des ateliers hebdomadaires de pratique amateur de théâtre avec des enfants, des adolescents et des adultes. Tout au long de ces années, les questions Pour qui ? et Pour quoi faire du théâtre ? m’ont accompagné. Les Enfants d’Edward Bond répond à l’envie de réunir en un seul mouvement le geste pédagogique et le geste artistique pour prolonger cette réflexion. Il ne s’agit pas seulement de rendre compte du monde contemporain, pas seulement de donner à voir et à entendre, mais bien de proposer à des jeunes gens de venir sur le plateau avec nous : auteur, metteur en scène, comédiens… questionner le monde.


Un regard sur le monde contemporain


Les Enfants répond aussi avec force à ce que j’attends du théâtre pour la jeunesse : exigence du texte, stimulation de l’imaginaire, éveil de la conscience citoyenne, regard sur le monde dans lequel nous vivons… L’auteur n’aborde pas seulement les préoccupations quotidiennes de l’adolescence, il élargit la réflexion aux choix auxquels le monde nous confronte : l’avenir écologique de la planète, la transmission de la violence de génération en génération, questions qui me semblent essentielles pour vivre dans le monde de demain.


Une aventure humaine


Les adolescents occupent une place centrale dans ce projet : ils sont non seulement les principaux protagonistes de la pièce, mais sont également conviés - c’est ce qui fait la singularité du projet - à y participer de façon active, imaginative et intime. Une place importante est faite à l’improvisation, ce qui donne aux adolescents la possibilité de s’approprier la représentation et donc de se confronter d’une manière purement empirique aux thèmes centraux de la pièce : connaissance de soi et responsabilité quant à l’évolution du monde. Il ne s’agit pas ici de former des comédiens, mais plutôt d’emmener des adolescents dans une aventure artistique et humaine qui met en jeu et en question l’être humain en devenir qu’ils sont et le monde dans lequel ils voudraient vivre.


Une pièce forte, pertinente et utile


Et si je choisis aujourd’hui de mettre en scène Les Enfants, c’est avant tout parce qu’il s’agit d’un grand texte de théâtre. Edward Bond, sans jamais céder à une tentation de simplification ou de vulgarisation, prolonge avec cette pièce la réflexion qu’il développe depuis une trentaine d’années dans toute son œuvre. Dans une maîtrise de la langue et de la dramaturgie parfaitement accomplie, il nous offre un texte destiné à la jeunesse des plus forts, des plus pertinents et des plus utiles.


Gilles Martin, février 2005




" Ce monde est le vôtre. Un temps viendra où les gens qui vous disent ce qui est vôtre ou ce qui ne l’est pas ne seront plus de ce monde. Mais vous, vous y serez – et il vous faudra en faire un lieu de bienveillance et de paix. Pour prendre la responsabilité du monde, il faut être courageux, généreux et prévoyant. Jouer Les Enfants est une manière de vous y préparer. Vous devez faire que la pièce soit la vôtre, afin que le public puisse comprendre ce que vous voulez leur dire. Et plus tard il vous faudra faire de même pour le monde, quand vous ne serez plus Les Enfants mais Les Adultes. "



Edward Bond
Lettre aux jeunes acteurs qui jouent Les Enfants,
17 mars 2002




L’AUTEUR ET LA PIECE


Un auteur contemporain


Edward Bond, né en 1934 dans la banlieue nord de Londres, a écrit une quarantaine de pièces jouées dans le monde : il est considéré aujourd’hui comme l’un des plus importants auteurs du théâtre contemporain. Il met en lumière dans son œuvre l’inhumanité de notre société, sa violence, ses failles, et développe, parallèlement à l’écriture, une importante réflexion théorique sur la fonction culturelle, politique et morale du théâtre qu’il met en pratique dans ses mises en scènes et des ateliers.


Concilier les enjeux de la création artistique et de l’action culturelle


Après Onze débardeurs (1995) et Auprès de la mer intérieure (1995) pièces destinées à la jeunesse, Edward Bond prolonge avec Les Enfants en 2000, sa réflexion sur l’art dramatique et l’adolescence en proposant un outil théâtral tout à fait singulier. Ecrite pour être jouée par une quinzaine d’adolescents et deux adultes, Les Enfants offre de manière exemplaire les moyens d’associer les enjeux de la création artistique à ceux de l’action culturelle.


Un laboratoire pour l’imagination


La pièce est composée de douze scènes écrites dans une langue qui échappe au réalisme, une langue sèche, qui s’en tient à l’essentiel, avec ses moments fulgurants de poésie dramatique. Cinq scènes sur les douze ont été écrites pour être jouées telles que l’auteur les a mises en mots. Les sept autres scènes peuvent ne pas être jouées en l’état : ce sont des situations qui constituent un cadre dans lequel les jeunes acteurs sont invités à improviser.
Cette position en retrait de l’auteur est constitutive du projet de mise en scène : elle place les adolescents, de façon concrète et vivante, dans une prise en charge responsable et créative de la représentation ; elle ouvre une voie pour laisser s’infiltrer sur le plateau l’énergie et la mise en question du monde propre à l’adolescence.
La construction de la pièce, mélange de texte-à-jouer et de scènes-à-improviser, la volonté obstinée d’Edward Bond à questionner le monde, laissant sa part de travail à l’acteur comme au spectateur, sa proposition d’envisager sous un jour nouveau la pratique du théâtre (en associant débutants/professionnels et adolescents/adultes) font de la pièce Les Enfants, un véritable laboratoire pour l’imagination.


L’histoire


Joe, un jeune adolescent, vit avec sa mère. Un jour, à son retour de l’école, elle lui demande d’aller brûler une maison dans le quartier voisin et refuse de lui donner la moindre explication sur cette demande. L’enfant veut comprendre. La mère s’obstine à taire ses raisons, se fâche, menace. Désemparé, Joe va rejoindre ses copains. Au cours d’un rituel brutal, les enfants jurent de soutenir Joe et de garder son histoire secrète.
La nuit suivante, rentré chez lui, il annonce à sa mère qu’il a mis le feu à la maison. Mais celle-ci nie lui avoir demandé de le faire. Une amie de Joe vient alors leur annoncer qu’un jeune garçon, prisonnier de la maison en feu, est mort. Cette nouvelle entraîne la mère dans un déni encore plus violent. Joe décide de s’enfuir. Au matin, il retrouve ses amis qui choisissent de l’accompagner dans sa cavale. Surgit alors un homme, l’air hagard, qui s’effondre à leurs pieds. Joe et ses copains décident de s’occuper de lui et l’emmènent. Commence alors pour les enfants et l’homme un long voyage dans un monde désolé, un monde qui s’effondre…


[|« Pas de voiture ni de camions. Routes vides.
Pas de chiens. Même morts.
Pas de linge sur les fils.
Tout le monde a disparu.
Etrange.
J’ai peur. »|]



Une dimension symbolique et poétique


Edward Bond ancre Les Enfants dans la réalité sociale et développe, à partir de cette réalité, des thèmes qui s’inscrivent tant dans la sphère de l’intime que du politique : la violence et sa transmission de génération en génération, notre capacité à détruire par amour, les notions de partage et d’entraide qui sont à l’origine de la cohésion sociale, la logique consumériste et l’avenir écologique de la planète.
Par sa forme épique, sa langue épurée, l’aspect énigmatique de certaines scènes (la transformation brutale du monde), l’irruption du fantastique (l’apparition d’un fantôme), le texte s’affranchit du réalisme pour atteindre une dimension symbolique et poétique.




NOTES DE MISE EN SCENE


Le personnage de La Mère dans la pièce rappelle la figure mythologique de Médée, femme répudiée, blessée, trahie et dont l’implacable vengeance entraînera la mort de sa rivale, consumée par le feu, et le meurtre de ses propres enfants. Mais la Médée de Bond n’est plus tout à fait la magicienne orientale qui commandait aux éléments dans la tragédie d’Euripide. Elle a perdu ce qui constituait dans le mythe originel la science de Médée : son lien sacré avec la nature.


Les Enfants est l’histoire de l’humanité aux prises avec sa propre violence. Une violence qui prend naissance entre les quatre murs d’une maison (celle de Joe et de sa mère) pour s’étendre à l’ensemble de la planète.
La deuxième partie de la pièce, le Voyage des Enfants, se passe dans un monde désolé. S’agit-il d’une catastrophe écologique ou militaire ? Edward Bond laisse la question en suspens et nous rappelle seulement que, depuis le 20ème siècle, l’humanité est devenue capable de se détruire directement par la guerre nucléaire ou indirectement par l’altération des conditions nécessaires à sa vie.


Tel un ciel prêt à nous tomber sur la tête, un vaste plafond de toile claire est tendu au-dessus du plateau et sert d’écran à des images vidéo. La projection agit également comme source de lumière pour créer sur la scène l’étrangeté du monde du Voyage des Enfants. Le montage vidéo et la bande sonore du spectacle sont inspirés par les 4 éléments : terre, air, eau et feu. L’aspect monumental de ce plafond trapézoïdal (8m x 5m x 1,5m) donne la mesure des menaces climatiques qui nous guettent et permet de donner corps à un autre mythe qui traverse la pièce : l’Apocalypse. Ce mythe est notre destin, semble dire Edward Bond, mais un destin qui n’est tel que parce que nous n’y reconnaissons pas les conséquences de nos actes.


Le Voyage des Enfants (environ 40 jours, comme celui de Noé) à travers un monde qui se meurt n’est pas seulement une vision prophétique. C’est aussi un voyage intérieur, un parcours initiatique qui mène de l’adolescence à l’âge adulte. A la fin de la pièce, Joe, confiant, démarre une vie nouvelle.




NOTE SUR LA CREATION
à Mantes-la-Jolie et à Palaiseau


Deux principes constituent l’une des singularités de la mise en scène de la pièce Les Enfants : un temps de répétition de courte durée (12 séances de travail) et la juxtaposition de scènes apprises et de scènes improvisées.
Le principe d’un travail préparatoire concentré dans le temps a permis aux jeunes comédiens de garder sur l’ensemble des répétitions toute leur énergie et leur attention, et pour moi de déjouer la tentation de trop « policer » le jeu qui a pu conserver ainsi une certaine fragilité. Quant au principe d’improviser certaines scènes, cette proposition les a d’emblée emballée et a stimulé l’appropriation du texte. Cette façon de travailler impose de comprendre les articulations et les enjeux de chaque scène avant d’en restituer la situation. Le jeu n’est plus seulement reproduction, mais imagination cadrée par l’entendement.


A travers ce texte, le champ de réflexion ouvert par Edward Bond est impressionnant par sa profondeur et par l’ampleur des questions qu’il soulève : comment donner un sens à sa vie ? Comment s’en sentir responsable et se montrer solidaire de la vie des autres ? Quel avenir pour l’humanité si nous ne parvenons pas à imaginer une vision du politique écologique, citoyenne et planétaire, qui place au centre la justice ?
En choisissant après avoir lu la pièce de s’engager dans cette aventure, voilà 13 adolescents de Mantes-la-Jolie et 14 adolescents de Palaiseau qui, par la qualité de leur investissement et leur enthousiasme durant les répétitions, nous confirment, s’il en était besoin, qu’une pièce de théâtre qui aborde de manière radicale les questions politiques et philosophiques de son temps, les concerne vraiment. Ni histoire d’adultes pour des enfants, ni histoire d’enfants pour des enfants, la pièce d’Edward Bond s’adresse au désir d’humanité qui est en tout être.


Gilles Martin




LETTRE DES ADOLESCENTS DE PALAISEAU


Tenions à vous dire que nous ne regrettons vraiment pas d’avoir participé à ce projet, cette pièce est une vraie leçon de vie …
Merci de nous avoir fait découvrir un décor sans limites, ni frontières, merci de nous avoir appris certaines choses de la vie à travers cette pièce, merci de nous avoir appris une nouvelle manière de travailler, merci tout simplement de nous avoir fait rire et passer d’excellents moments !
C’est une expérience inoubliable et unique, qui laissera des traces à vie. Ce stage était intensif, épuisant mais merveilleux. La pièce d’Edward Bond est une vraie leçon de vie, que chacun de nous appliquera maintenant dès que possible. Elle nous a tous fait réfléchir, se remettre en question par rapport aux hommes et au monde entier, à son entretien et peut-être bientôt sa fin.
Grands et moins grands voulons vous dire merci du fond du cœur pour ces vacances incroyables avec vous…


Les Enfants de Palaiseau, le 11 mai 2006.

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