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Le Voyage à La Haye

+ d'infos sur le texte de Jean-Luc Lagarce
mise en scène Olivier Coyette

: Mettre en scène ''Le Voyage à La Haye''

Sa vie durant, Jean-Luc Lagarce n’aura eu de cesse de travailler, d’écrire, de monter des spectacles et de dire, avec ses yeux et ses mots, le monde. Il l’aura fait dans l’ombre, discrètement, mais inlassablement, pleinement. Son Journal ainsi que son recueil de textes Du luxe et de l’impuissance, publiés aux Solitaires, sont des témoignages précieux de son ambition artistique, son projet esthétique.


Ils témoignent de sa volonté, forte, irrépressible, d’être un artiste du langage et du théâtre, aujourd’hui. Les textes de Lagarce contiennent souvent des méditations sur le monde à partir de la famille, microcosme aux puissances centrifuges, traversé de tempêtes. Le travail sur la langue est primordial, car il y a une «petite musique» propre à l’écriture de Jean-Luc Lagarce ; les personnages parlent beaucoup sans toutefois parvenir à dire complètement, intégralement, leur pensée. Par ailleurs, les zones de non-dit sont également puissantes. Le résultat est doux-amer, noir et à la fois plein d’une drôlerie, d’une tendresse. C’est un théâtre de la douleur et de la joie contenues. Lagarce demeure un explorateur infatigable de l’intime.


Le Voyage à la Haye est un texte à part, car c’est à la fois un récit et un texte autobiographique où se trouvent exposés des morceaux de vie de Lagarce homme de troupe, homme de théâtre. Il y dit des vérités subtiles sur le quotidien des gens de théâtre, ainsi que sur l’existence, le passage du temps et des choses, la volonté trop humaine de vouloir les retenir alors qu’elles ne font que passer.


Son don d’observation fait ici merveille, car c’est la comédie humaine que Lagarce finit par embrasser, de son écriture régulière et musicale. Ce texte est également remarquable à double titre : c’est un texte « testamentaire », écrit à peu de temps de sa mort, et il contient une qualité littéraire absolument prodigieuse, restituer ce qu’un être peut ressentir alors que la vie le quitte mais qu’elle continue pour les autres.


Ce point est la qualité majeure du texte, et c’est également une qualité littéraire immense, qui s’appuie sur une langue frôlant la perfection dans l’expression de la pensée. Lagarce est juste, incisif et intuitif, il use dans Le voyage d’une langue acérée, de phrases rapides, lapidaires. Sans appel. C’est là où le texte de Lagarce dépasse le cadre du théâtre pour rejoindre le monde, l’humanité la plus aiguë au coeur de l’individu, sa conscience d’appartenir à une espèce, à un espace, avec d’autant plus d’acuité qu’il va devoir les quitter dans un délai très réduit.


Frédéric Dussenne est le metteur en scène et le pédagogue que l’on connaît. Mais c’est aussi un homme de quarante ans passionné par son art, et directeur d’une compagnie dont il est le fondateur. Comme Lagarce. Il est, comme Lagarce, un meneur d’hommes et un solitaire absolu, tendu entre ces deux extrêmes. Après avoir mis en scène plus de soixante spectacles, remonter sur le plateau doit constituer pour lui un geste identitaire, un acte fort. Le texte de Lagarce, que Frédéric connaît bien, est, à mon sens, fait pour lui, aujourd’hui et ici.


Le Voyage à la Haye est une quête identitaire. C’est un récit d’apprentissage, non pas de la vie, mais de la mort. Peut-on apprendre à mourir ?


Olivier Coyette
Octobre 2005

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