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Le Paradis sans retour

+ d'infos sur le texte de Hugues Chabalier
mise en scène Hugues Chabalier

: Note d'intention

Le monde entier se trouvait devant eux, où choisir le lieu de leur repos ?
La main dans la main, à l’aventure et lentement, à travers l’Eden, ils cheminèrent seuls.
John Milton, Le Paradis perdu


Il existe peu de textes théâtraux sur le paradis. Nous portons donc sur la scène une matière textuelle brute, non théâtrale au départ. On pourra ainsi parcourir la galaxie des théories et conceptions du bonheur sans que le spectacle en propose une définition figée. Et cela permettra une traversée des sensations, des sentiments, des errances et des joies que la recherche du paradis procure.


Au départ : dans une nuit propice aux rêves, fantasmes et autres affabulations, 4 personnes, jamais éloignés de la tentation du sommeil (antichambre de la mort ?), font route vers le paradis. Qui sont-ils : anges, esprits, hommes errant dans les limbes ? Quatre côte à côte incarnant chacun une conception du bonheur.


D’abord, le commercial, le vendeur, l’illusionniste prêt à vendre un bonheur en kit, avec son cortège d’efficaces slogans, de chansonnettes idiotes et de prêt-à-penser comme « achète cela et tu seras heureux ». Quelque chose à voir aussi avec les promesses de bonheur sans fin que prodiguent les religions. C’est le bonimenteur auquel on a envie de croire. Et besoin de croire ?


Il y a aussi le naïf, le simple adepte d’un bonheur joli, le coureur après son enfance. Le bonheur est-il un art d’imbéciles (heureux, évidemment) ?


Et aussi le philosophe, le chercheur, jamais à court de questions, ni de réponses -il en a toujours quinze possibles- autant de doutes et partant, de remises en question. Cercle infini. Mais joie de réfléchir ? Bonheur d’être « ignorant » ? La sagesse du philosophe est de s’accommoder avec son ignorance, peut-être…


Et avec eux trois, le sujet à la mélancolie, (« le bonheur d’être triste » selon Hugo...), le désespéré inguérissable, l’éternel insatisfait ; ce serait comme un philosophe qui n’a pas trouvé la sagesse, un qui ne se contente pas du réel, qui cherche un idéal, quitte à ce qu’il soit artificiel. Voire dangereux. Celui que rien ne pourrait convaincre à part le retour au néant…


Quatre cherchent à convaincre et à se convaincre avant tout ; ils sont perdus et pourtant sûrs d’eux-mêmes. A l’image de chacun d’entre nous, persuadés de connaître ce qui ferait ou fait notre bonheur mais livrés à l’incertain, au fragile, à l’éphémère d’un instant de félicité. En lutte et en recherche, candidats au bonheur. Rêves, désirs, souhaits ; on est sous le règne du conditionnel. De l'onirisme. Onirisme porté également par la musique, enveloppante comme un cocon ouaté. Le musicien est là, cinquième larron, jouant en direct, compagnon, gardien comme celui de Huis Clos ou Saint-Pierre silencieux (le paradis et l’enfer sont-ils si opposés ?).


Le bonheur glisse. On part à sa recherche et sitôt aperçu, sitôt disparu. Le temps a une importance primordiale. Il faut faire durer le bonheur. Le rendre éternel. Mais aussi retrouver le bonheur passé et gagner le paradis futur. Mélange des temps et le paradis perdu (l’enfance ?) rejoint le paradis à atteindre, se confond avec lui. Le spectacle entremêle ces différentes temporalités.


Pour conclure la trilogie du paradis, je souhaitais donc une création qui rappelle les deux premières : la divagation, la réflexion, les questionnements incessants, le délire métaphysique comme dans le Jardin de reconnaissance et l’utopie d’un lieu comme le paradis rappellant celle d’Entreprise de recueillement.
Une création qui conclut en se tournant vers l'effacement, la mort, le vide. Ce paradis qui nous attend n’est-il pas un objectif aussi séduisant que dangereux ? Pour le gagner, le passage obligé est la mort. Mort et paradis, amis fidèles. La fin du Paradis sans retour semble sans appel ; le bonheur éternel serait tragique, forcément tragique…


La trilogie se termine avec la disparition, l’effacement, on est « sans retour ». On l’avait entamée avec les origines et le jardin d’Eden. Et on l’avait continuée en regardant comment obtenir un bonheur immédiat, sur Terre, aujourd’hui.


Le paradis, où l’origine et la fin se rejoignent sans nous laisser beaucoup de temps. Il reste des tentatives, des élans, des espoirs. Heureusement.

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