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Le Mystère du bouquet de roses

mise en scène Gilberte Tsaï

: Note d'intention

L’idée qu’une chambre où deux êtres se retrouvent puisse être un condensé de monde est une idée simple mais qui exige une conviction totale de la part de l’écrivain, surtout s’il s’agit d’une pièce de théâtre. Et Le mystère du bouquet de roses de Manuel Puig, dialogue discontinu entre une vieille patiente fortunée et une infirmière entre deux âges, est bien une telle prouesse. En écoutant ces deux femmes qui tantôt s’affrontent et tantôt semblent vouloir s’entraider, en pénétrant peu à peu dans ce que leurs récits, par bribes, nous révèlent de leur passé, on oublie tout le reste : d’un seul coup il n’y a plus que ce dialogue. L’univers de Manuel Puig, écrivain argentin né en 1932 et mort en 1990, est celui des feuilletons et du cinéma populaire, avec quelque chose de glamour et de désespéré où l’on côtoie la parodie et le mélodrame mais comme pour épurer l’émotion. En effet, de façon discrète, quelque chose de hanté et d’inquiétant se met en place, un peu comme si les barbituriques – qui sont un des enjeux du conflit entre les deux femmes (les prendre ou pas, les voler, les cacher, en prendre trop une fois pour toutes…) – faisaient leur effet et infiltraient la texture même de la pièce : sommes-nous chez les vivants, dans le cadre bien réaliste d’une chambre de clinique de luxe, ou déjà chez les morts ? Ces deux femmes, en qui s’incarnent des différences d’âge et de classe, ne sont-elles pas deux soeurs, voire les deux visages d’un seul être consumé par ses rêves ?


Derrière ce dialogue qui prend les allures d’une sorte d’enquête progressive et feutrée sur un passé encore lourd de menaces, on entend, entre les mots, la rumeur de la grande ville, tout comme derrière cette histoire particulière on devine l’enchevêtrement des milliers d’histoires qui font et défont la vie. Peut-être sommes-nous à Buenos Aires, peut-être sommes-nous ailleurs, mais Manuel Puig a ce génie, typiquement argentin, de l’infusion lente. Avec son titre de roman de gare, Le Mystère du bouquet de roses est en fait un drame de l’extinction, où les paroles s’échangent dans une sorte de ralenti qui est comme un condensé du passage du temps – un rêve.


La Trahison de Rita Hayworth, Le Baiser de la femme araignée ou encore Tombe la nuit tropicale, ces romans de Manuel Puig ont rencontré un succès mondial. Joué du vivant de Puig en Italie et aux Etats-Unis et, récemment, en Argentine même, Le Mystère du bouquet de roses n’a par contre jamais été créé en France et c’est une grande joie pour moi de pouvoir le faire : pour rendre justice à cet écrivain que j’ai toujours aimé, parce que la pièce propose, à mon sens, deux rôles féminins d’une étonnante et passionnante complexité, et aussi peut-être, pour donner forme à quelques intuitions que j’ai eues lorsque j’ai séjourné à Buenos Aires.

Gilberte Tsaï

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