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Le Legs

+ d'infos sur le texte de  Marivaux
mise en scène Marion Bierry

: Entretien avec Marion Bierry

propos recueillis par Sarah Belmont, février 2014

À quoi tient, selon vous, la singularité de la pièce ?


Marion Bierry : Le Legs possède une hardiesse de ton particulière. Tout est donné dès le début ; et ensuite, la maladresse et le conflit intérieur de certains personnages font tout avancer.


Qu'en est-il de l'argent ? N'occupe-t-il pas une place de choix dans le théâtre de Marivaux ?


M. B. : Comme, du reste, l'ensemble de la condition sociale dans une grande partie du théâtre français. Dès le xviie siècle, Corneille fait dire à Clindor : « Je suis dans la misère, et tu n'as point de bien. Un rien s'accorde mal avec un autre rien. » À cela, un personnage du Legs répondra, un siècle plus tard : « vous n'êtes point assez riche pour m'épouser avec 200 000 francs de moins ; je suis bien aise de vous les apporter en mariage. » Dans cette pièce, l'argent est parfois une sorte de joker que l'on met sur le tapis lorsque l'on ne sait plus comment avancer dans cette étrange carte de Tendre. On parle d'argent de manière décomplexée, lucide ; l'argent n'est ici que monnaie et ne revêt aucune autre valeur. Certains personnages en ont un réel besoin ; d'autres s'en servent un peu comme d'un masque.


Pourquoi avoir associé au Legs des poèmes de Ronsard, sur des mélodies de Schubert ?


M. B. : Je ne les ai pas associés. Je les ai entendus, un peu malgré moi, comme ces images juxtaposées qui se glissent dans nos rêves. Je traduis, j'interprète avec des formes. Ronsard, est, au fond, un élément du décor. Les mélodies de Schubert également.


Qualifieriez-vous donc votre spectacle de musical ?


M. B. : En fait, il n'y a, dans ce spectacle, pas plus de musique que dans mes précédents, voire pas plus de Schubert pour certains, et même, pas plus de Ronsard ! À ceci près que, dans Le Legs, Ronsard est entendu. Dans L'Illusion comique, par exemple, il se laissait apercevoir discrètement dans « cet antre à demi-front ouvert ».


Même si cette alliance entre le poète, le compositeur et le dramaturge, s'est opérée – comme vous le dites – à vos dépens, vous devez bien, malgré tout, leur trouver un point commun ?


M. B. : Oui… une pudeur, où l'on dit beaucoup de choses, en en cachant tout autant. Chez tous trois on soupire, on se languit, on brûle. ils ont en commun les éléments. Que de campagne chez Marivaux ! ils ont en commun ce « dites-le-lui pour moi », comme si à chaque instant, la parole devait être portée par un autre, un autre soi-même sans doute. ils partagent enfin ce secret que Robert Musil essaie de percer mieux que personne : « il faut se résigner à comprendre soi-même pourquoi les conversations, dans l'amour, jouent un rôle presque plus important que le reste. L'amour est le plus loquace de tous les sentiments, il est essentiellement loquacité[1]. »

Notes

[1] L’Homme sans qualités de Robert Musil. Éditions du Seuil, 1956. Traduction Philippe Jaccottet.

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