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: Présentation

Au milieu de ce travail fascinément épuisant, en feuilletant tous les textes de Havel, réunis depuis des années dans ma bibliothèque,textes dactylographiés ou imprimés, recueillis en oeuvres complètes ou tomes uniques, je me suis rendu compte que je dois avoir quelque part un ouvrage quasiment bibliophilique, paru dans les éditions Gallery de Jaroslav Kořán. Je l´ai, heureusement, vite trouvé. Ainsi j´ai pu apporter le lendemain à Vladimír ce petit volume, en quatre feuilles doubles séparées, intitulé Le Cochon ou Václav Havel´s Hunt for a Pig. Sur la couverture il y avait un dessin brillament fait par Pavel Reisenauer, une tête de porc renfrognée, entourée de mouches. Le texte a permis de nous distraire au début d´une rude journée de travail mais il était hors question de l´intégrer au scénario parce que nous étions déjà au stade où les phrases commençaient à s´entrelacer, se relier et s´adosser l´une à l´autre d´une manière tendre et évidente“. Le Cochon pourrait buriner, détruire et farfouiller ce tissu de dialogues encore fragile. Nous étions ravis d´avoir trouvé quelque chose qui ne figure pas dans les Oeuvres complètes de Havel, une édition munitieusement élaborée, avec laquelle nous travaillions tous les jours. Cela nous enthousiasmait qu´il existe encore des morceaux inexplorés de ce grand auteur. Complètement absorbés par le devoir d´emmener le collage „parcourant l´univers de toutes les pièces de Havel“- à la forme finale que pourraient recevoir les acteurs, nous avons, après s´être diverti, mis Le Cochon de côté. Lors des répétitions avancées du Cirque Havel l´idée nous est venue de le jouer pendant l´entracte sous une forme d´un intermezzo clownesque. Mais à ce moment-là entra en jeu le problème de la durée du spectacle et cette idée fut vite rejetée.


Mais elle ne fut pas oubliée. Dans le subconscient créateur de Vladimír elle continuait sa propre vie et ressortit à la surface au moment où les amis étrangers nous ont proposé de renouveler après vingt-et-un ans le projet du festival de théâtre itinérant MIR Caravan. En 1989 il entreprit, en cinq mois, le voyage de Moscou à Paris. L´arrêt pragois signifiait une „épreuve générale“de la participation des théâtres tchèques à la révolution de velours.
En mars 2009, dans sa lettre aux organisateurs parisiens de la rencontre préparatoire du MIR Caravan, Vladimír Morávek écrivit que L´Oie au bout de la ficelle envisageait de mettre en scène Le Cochon de Havel, „une combinaison du grotesque de Hašek et de l´errance glaciale kafkaïenne à travers le monde du non-dit, de l´innomable et de l´insaisissable, une étude incroyablement amusante mais aussi incroyablement cruelle sur le thème de l´identité du citoyen tchèque, de son héroïsme et de sa lâcheté.
Un texte de l´ordre de la Métamorphose de Kafka ou de la Noce chez les petits bourgeois de Brecht. Les collègues étrangers en étaient ravis. Ils admirent tous Havel et l´honorent comme un grand auteur dramatique, un démocrate, un dissident et un ami de théâtre. L´idée que son texte inconnu sera mis en scène comme un spectacle clownesque, une féerie du cirque a enchanté leurs âmes de comédien. Oui, tout ceci permet Le Cochon de Havel. On peut l´interpéter de mille façons, jouer avec lui…Le monter librement pour le public ! On a cette liberté absolue parcqu´il s´agit d´un texte inédit dans les œuvres complètes et oublié par l´auteur lui-même.
Rien d´étonnant, ce n´était au début qu´un simple épisode, un jeu qui s´est embrouillé inopinément. Václav Havel est rentré de son dur séjour en prison et dans l´effort de se distraire et en même temps d´aider amicalement à préparer la fête du cochon (malgré sa „relation ambivalente“ à son sujet) il s´est emmêlé dans un labyrinthe d´intrigues humaines et de calcul, dans lequel le prix du cochon prend une dimension exorbitante. Dans un petit village Havel est poursuivi par un journaliste de l ´Ouest, naif et plein d´intérêt. Pour se remettre de ce „traumatisme cochonien“ et pour amuser ses amis il a tout rendu au papier, en adaptant un genre et un style appropriés. La pièce est parue dans l´édition samizdat „La nouvelle camelote“ /année 1, numéro 10, 1981/87/. Après vingt-cinq ans ce texte libre et ouvert – cette histoire anecdotique et absurde, cet ignoble conte de fée sur l´achat d´un porc et les préparatifs d´une fête du cochon qui devient un rébus mystérieux avec une fin inattendue - est grâce à l´activité éditrice ludique de l´ami Jaroslav Kořán parvenu à nous. Cette année, en 2010, il se présentera à la lumière des projecteurs et obtiendra une forme scénique au théâtre L´Oie au bout de la ficelle. Ensuite, le 12 juin, sera mise au point sa version open-air, avec des choeurs d´opéra.
Elle tiendra lieu sur la cour du château Špilberk, à l´occasion de l´ouverture de la première année du festival de théâtre international de Brno intitulé Le monde théâtral et qui sera dédié à Havel. Puis, en juillet, sous la toile de chapiteau, le Cochon parviendra jusqu´aux remparts d´Avignon en France. Sous les mains et dans l´imaginaire de Vladimír Morávek et en collaboration avec l´ensemble du théâtre L´Oie au bout de la ficelle il se transformera en une suite de scènes de cabaret et de clowns. Elle refletera bien le caractère tchèque, comme la Fiancée vendue de Bedřich Smetana, un opéra national tchèque célèbre sur la tromperie avec une bonne fin. Des passages de son livret, écrit par un indicateur de police, seront inclus dans notre féerie burlesque et impressionante. Le peuple tchèque - des clowns en costumes nationaux, en choeurs pompeux, vont ressasser:
„Pourquoi ne nous réjouirions-nous pas? Si Dieu nous donne la santé…“


A Brno, le 11 mars 2010

Petr Oslzlý

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