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La Sorcière

+ d'infos sur l'adaptation de Julie Timmerman ,
mise en scène Julie Timmerman

: Présentation

Les procès en sorcellerie sont encore nombreux à travers le monde : les Pussy Riot condamnées aux travaux forcés pour blasphème, une femme brûlée vive en Papouasie-Nouvelle-Guinée pour avoir jeté un sort à un enfant malade, la cinéaste tunisienne Nadia El Fani sous le coup d’un procès en sorcellerie pour son engagement en matière de laïcité… De tous temps, on a cherché à anéantir ceux et celles qui s’élevaient contre un certain ordre du monde. C’est ce qui a déclenché la chasse aux sorcières à la fin du moyen âge et allumé des bûchers dans toute l’Europe : il fallait éliminer ou asservir les femmes, soit qu’elles prenaient la tête des révoltes paysannes, soit qu’elles avaient une maîtrise du corps et une connaissance de la Nature (la médecine par les plantes, les techniques de contraception ou d’avortement, les filtres d’amour ou d’impuissance) qui effrayaient le capitalisme naissant. Comme l’écrit Silvia Federici dans Caliban et la Sorcière[1], l’accumulation primitive du capital s’est faite sur le corps des esclaves et des femmes. Il fallait désenchanter le corps et le monde pour que la masse laborieuse se plie aux exigences du capitalisme. Il fallait que les femmes soient réduites au petit monde domestique, isolées, dépendantes, asservies à la seule fonction de reproduction de la force de travail, pour que triomphe la grande machine.


C’est cette histoire d’asservissement et de résistance que conte la langue ensorcelante de Michelet, l’historien des petits, des sans-grades, de ceux qui n’ont pas eu d’Histoire. La jeune paysanne qui se marie un certain jour de l’An Mille subit le viol du seigneur et de tout le château, la lâcheté de son mari, l’isolement dans le village, les coups de fouet de l’Inquisition, la traque impitoyable, pour finalement se réfugier dans la forêt, nue et meurtrie, et pactiser avec Satan. Mais ce qu’elle découvre alors, au moment où elle croit sceller son noir destin de haine et de vengeance, c’est que Satan n’est pas le Diable dont l’Eglise se sert pour terrifier le peuple, mais un dieu d’amour qui règne sur la Nature. Les arbres ont une langue, les herbes des champs s’offrent, l’ours vient en ami… Satan ramasse tout ce que l’Eglise jette : Prince de la Nature, du rire, de la fête, de la médecine, des plaisirs sensuels, de la libre raison, il invite à un grand Sabbat.


Le sabbat de la sorcière, c’est aussi celui de la comédienne qui, comme l’historien, rend visible ce qui n’est plus, et fait revivre les morts.


La Sorcière résonne diaboliquement en ces temps de néo-libéralisme tout-puissant qui voient l’exacerbation des clivages sociaux, de la misogynie et des fondamentalismes religieux. Ce spectacle se veut une protestation enflammée contre l’oppression, la barbarie, la sauvagerie du monde des prédateurs, un réquisitoire contre la misère, un appel à la résistance, un hymne à la Liberté.



Julie Timmerman (juillet 2015).

Notes

[1] Caliban et la Sorcière, de Silvia Federici, publié chez Entremonde, a fait l’objet d’un article de trois pages dans le Télérama du 12 avril 2015, intitulé « Tous sorcières » et signé Weronika Zarachowicz

Julie Timmerman

avril 2015

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