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La Ronde de nuit


: Présentation

Une question court à travers le roman La ronde de nuit de Patrick Modiano : celle du double jeu qui fait de vous un traître. Le protagoniste, qui travaille pour la Gestapo française, infiltre un réseau de la Résistance. Happé par les uns et par les autres, il ne sait pas être traître, il ne sait pas être héros. Bâtard de tout, il hésite entre deux mondes. Cette valse–hésitation est pour lui une quête d’identité angoissée. Elle l’entraîne vers un terme jusqu’au bout mystérieux : le martyre.


L’écriture de Patrick Modiano est hantée. Hantée par un passé qu’il n’a pas vécu, mais dont, dit-il, « la pesanteur me tirait en arrière, (je) rêvais de me délivrer d’une mémoire empoisonnée. »
Dans ce roman, Patrick Modiano réveille les morts et les entraîne dans une ronde de nuit haletante : « C’est mon devoir de les sortir –ne fût-ce qu’un instant- de la nuit. »


Dans un autre livre, Fleurs de ruine, Patrick Modiano écrit ceci : « Plus tard, on me demandera des comptes. J’éprouve un sentiment de culpabilité dont l’objet demeure vague : un crime auquel j’ai participé en qualité de complice ou de témoin, je ne pourrais pas vraiment dire. Et j’espère que cette ambiguïté m’évitera le châtiment. »


Autre part, il écrit encore : « Ce n’est pas vraiment l’Occupation qui me fascine. Elle me fournit un climat idéal, trouble, une lumière un peu bizarre… J’aime observer les gens qui se salissent, qui n’ont pas peur des compromissions. »
Dans son oeuvre, l’Occupation est un monde recomposé par le rêve. Ses pires aspects s’intègrent dans un paysage régi par la nostalgie. La restitution de cette période est filtrée par son angoisse liée à la fuite du temps, liée à la confrontation avec les spectres du passé venus du fond des années troubles.


Dans La ronde de nuit, le protagoniste le dit lui-même : « Je n’existe pas ». Il n’a pas de nom. Swing Troubadour, titre d’une bluette de Charles Trenet, n’est qu’un pseudonyme que lui donne son supérieur au sein de la bande du square Cimarosa, décalque de la bande de la rue Lauriston, le groupe « Bonny – Lafont », la Gestapo française. Tout comme Princesse de Lamballe, autre pseudonyme qui lui est attribué par le Lieutenant, chef d’un réseau de résistants.
« Qui suis-je ? » Il ne cesse de le répéter alors qu’il tergiverse jour et nuit, alors que la peur s’installe. Quelques identités d’emprunt –le roi Lear, Marcel Petiot…- lui procurent, imaginairement, une fugace sensation d’existence. Mais cela ne dure pas lorsque la peur, elle, dévore tout sur son passage.
« Chaque homme est un abîme. On a le vertige quand on se penche dessus. » La phrase de Büchner résonne comme un écho à ce vertigineux voyage dans la tête d’un homme.

Jean-François Matignon

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