Cette pièce, inspirée de l’histoire vraie des scottboro boys, résonne encore aujourd’hui dans un monde qui n’a de cesse de stigmatiser. C’est une histoire passée qui nous renvoie indubitablement à notre présent, voire notre futur proche. Encore aujourd’hui, l’actualité mondiale est marquée de faits divers faisant état de bavures policières sur la population noire américaine, d’actes racistes au nom d’une crise identitaire ou encore de réfugiés qui peinent à trouver secours auprès des populations occidentales.

La P… respectueuse traite de la force de la pression sociale. Les protagonistes abdiquent leur liberté devant la norme imposée par la société. Manipulés, ils soumettent leur libre-arbitre à une force supérieure, à la manière de Lizzie, qui ne distingue plus clairement son devoir morale de la contrainte sociale. Ainsi, Sartre dépeint une société où une minorité impose ses volontés à une majorité. La classe décisionnaire minoritaire agit au nom d’un prétendu bien commun et emmène dans son sillon une majorité, davantage attachée à sa survie qu’à la compréhension des actes qu’on lui impose.
Jean-Paul Sartre écrit dans les années 50, ses préoccupations sont propres à un contexte, mais parce que ses propos font encore sens aujourd’hui, le nègre ne caractérise alors plus seulement la couleur de peau, mais ouvre le sens à l’ensemble des minorités et exclus de la société. Par conséquent, nous ne voulons pas limiter le message de l’auteur aux violences subis par le nègre mais d’ouvrir le propos à celles dont Lizzie est victime à son tour : C’est l’oppression d’un groupe d’homme sur une femme, c’est la dualité entre la morale et la justice et plus largement, c’est le combat du bien contre le mal.
Pour mieux traduire l’oppression croissante dont Lizzie et le nègre sont victimes, les comédiens seront en permanence sur la scène. Ils se tiendront assis en périphérie, prêt à intervenir, étouffant Lizzie de leur présence. C’est un piège qui se crée autour de ces deux personnages, se refermant indubitablement sur eux sans qu’il ne puisse rien y faire. La P… respectueuse, c’est la déchéance progressive de deux protagonistes, que rien ne lie, mais qui se retrouvent pris au même piège d’une minorité peu scrupuleuse.

Notre volonté est de laisser libre court à l’imagination du spectateur pour situer ce qu’il voit dans l’espace. Cependant, nous ne voulons pas que l’action soit rattacher à des faits passés et révolus mais bien au contraire, à un présent, voir un future proche. Dans une ambiance enfumée ou le chaos règne, des bouteilles, des déchets, des cartons et un vieux lit posé sur le sol viendront habiller le plateau. En fond de scène, une table et des chaises, retournées au début du spectacle comme pour traduire d’actions qui se sont déjà déroulées dans ce même endroit peu de temps auparavant. Enfin, en avant-scène, une vieille baignoire pouvant aussi bien servir d’instrument de torture que de cachette, viendra se rajouter au reste.
Il est aussi important de ne pas dénaturer le texte. L’acteur, doit alors interpréter la parole de l’auteur comme une flèche intemporelle, traversant les époques, jouant et s’amusant des expressions sans jamais cependant leur enlever de leur sens.

La P… respectueuse, c’est l’être humain disloqué sous toutes ses faces, c’est un sacrifice ; le combat de la recherche de vérité contre celle du plaisir personnel. C’est raconter, se remémorer, ne pas oublier et y réfléchir.