theatre-contemporain.net artcena.fr

La Politesse

+ d'infos sur l'adaptation de Manuel Vallade ,
mise en espace Manuel Vallade

: Présentation

Avec ce nouveau livre, François Bégaudeau renoue avec le dispositif formel de Entre les murs. Là où l’écrivain (alors enseignant) avait alterné séquences de cours face aux élèves et d’interclasses en salle des profs pour suivre fidèlement le déroulé d’une année scolaire, il reprend cette méthode avec une mise à distance similaire empruntant le point de vue d’un « je » sans affect perceptible pour rendre compte de la tournée promotionnelle d’un auteur (alias lui-même). Loin de céder aux facilités du name dropping ou du ragot mondain, ce narrateur énumère les étapes obligées de l’écrivain lors de la sortie d’un ouvrage (en l’occurrence Au début, dont il est à peine fait mention). Ainsi assiste-t-on aux scènes archétypales du genre : émission radio, salon ou foire du livre, plateau télévisuel, séance photo, intervention en bibliothèque, signature en librairie, etc.


Ces rencontres sont l’objet de vingt brefs chapitres dans la première partie de La Politesse, inventoriant au passage la biographie de nombreux interlocuteurs côtoyés lors de ses déplacements, ainsi que certains détails du contexte régional ou de l’actualité nationale de l’année 2012. François Bégaudeau nous donne ainsi à voir, aux quatre coins de l’Hexagone, un vaste échantillon des lieux et cas de figure qui attendent ce vrp de son propre livre : entre parcours du combattant, traversée du désert et quiproquo déceptif. D’où la succession de tableaux moins satiriques que cliniques, même si, pour le lecteur, le comique de chaque situation prend l’allure d’un running gag irrésistible. Pourtant il ne s’agit pas ici de moquer les travers du microcosme parisianiste ni des professionnels de la profession, mais de mettre à nu les rouages d’une machinerie culturelle globale qui, au gré des flux de produits interchangeables, semble condamnée à faire l’impasse sur la confrontation aux textes eux-mêmes.


La deuxième partie, concernant la promotion du livre suivant en 2013, se présente à dessein sur le mode du « remake », selon un subtil procédé de répétition/variation. Vingt autres chapitres reviennent donc arpenter les mêmes lieux et malentendus frontaux, à ceci près que l’humeur de l’auteur vire progressivement de bord. Jusque-là, il était comme « en creux », témoin neutre d’un processus, désormais il va sortir de sa réserve, répondre à côté, faire l’idiot ironique, torpiller les débats biaisés, bref cesser de jouer le jeu de la comédie littéraire. Autant de joutes verbales qui, brisant le moule des conversations standardisées, ne cèdent pas aux règlements de compte personnels mais produisent un théâtre burlesque de l’absurde où chacun reconnaîtra une part de vérité.


Enfin, ultime partie, annoncée dès le prologue ouvrant La politesse, nous voici transportés en 2023. Jouant sur les codes du roman d’anticipation, François Bégaudeau imagine une société française où les îlots de vie communautaire d’une jeunesse altermondialiste aurait gagné du terrain. Et c’est là, dans ces zones d’expérimentation coopérative que le narrateur, lassé des postures et impostures du système dominant, se surprend à découvrir les échanges intellectuels que rend soudain possible un monde libéré des rivalités commerciales. Hypothèse futuriste, naïve ou farfelue au premier abord, mais qui, loin d’être traitée à la légère, fait l’objet d’une attention documentaire et bienveillante par celui qui a désormais choisi de s’effacer au profit d’une instance dénonciation collective : celle de « l’écrivain public ». Une façon pour François Bégaudeau de dépasser la déploration ou la résignation en réaffirmant, à travers cette marge d’utopie, que le meilleur moyen d’interroger le rôle politique de l’intellectuel reste la fiction.

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.