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La Fausse suivante

+ d'infos sur le texte de  Marivaux
mise en scène Collectif Far

: Note d’intention pour un spectacle

Un premier principe de travail consiste à croire que c’est à l’oeuvre choisie de flécher le chemin de l’esthétique qui lui convient le mieux.


La fête comme déni de la réalité (ou) Un Carnaval triste - en noir et blanc.


Au début du spectacle, nous voyons les protagonistes de La Fausse Suivante dans un camaïeux de noir et de blanc, prolonger en Province une soirée de Carnaval commencée à Paris – on dirait aujourd’hui un « after ». Cette idée du Carnaval nous inspire. Moins sans doute par la joyeuse explosion de couleurs à laquelle on l’associe le plus souvent que par ce qu’il représente un espace–temps de licence, où le monde est mis à l’envers, et où la morale court le risque « d’être mise en de cruels embarras ». Dans le temps de la représentation, nous envisageons même ces êtres se laisser aller à une nuit blanche de plus, parce que tout simplement une noce de campagne passe à proximité, et que s’égarer ainsi de fête en fête reste sans doute le meilleur moyen de fuir une réalité angoissante, qui mériterait davantage de consistance et de maturité.


Nous chercherons à travailler sur des pulsions de jeunesse, presqu’adolescentes où chaque chose est mesurée dans son immédiateté. Nous traquerons les rouages qui conduisent les personnages à générer puis amplifier une situation sauvage, finalement très moderne, où chacun passe d’un état à un autre en un violent mouvement de yo-yo.


En l’absence de toute autorité référente (il n’y en a pas dans La Fausse Suivante), nous observerons comment ces êtres se trouvent finalement confrontés au doute, face obscure de la liberté.


Là où l’argent mène le monde…


Car voilà, dans La Fausse Suivante, nous sommes dans un temps où l’ordre ancien a vacillé et où de nouvelles valeurs tardent à s’imposer. Privé de repère, chacun, se trouve livré à sa propre intuition pour résoudre l’équation des choix à faire. Nous constatons une troublante similitude avec notre époque où les appétits qui s’expriment sont individualistes, tous aiguisés par l’obsession de l’argent, où l’amour même devient une marchandise que l’on peut « titrer », comme s’il s’agissait d’un vulgaire placement à court terme. Du plus haut au plus bas de l’échelle, tous sont capables sans le moindre scrupule, de s’en remettre au plus offrant. Les valets, n’ayant en ceci, rien à envier à leurs maîtres.


La scène est un ring.


Nous souhaitons la scène comme lieu de toutes les confrontations, qu’elles soient intimes, socio-politiques ou philosophiques. Dans La Fausse Suivante, elle est l’espace où l’objectif de chaque personnage, si précis soit-il, se déglingue systématiquement dans le temps où il se confronte à quelqu’un d’autre, qui, le plus souvent, avance masqué.


Nous plongerons dans la fascination des contraires, dans la découverte du sexe et de ses multiples facettes, dans l’excitation, la tentation violente du corps comme de l’argent, dans l’aventure, la rage, la jalousie, l’orgueil (…) bref, dans toute chose provoquée par l’expérience de la confrontation. Nous voulons que chaque personnage sorte de scène (où comme le dit très bien Yves Beaunesne « le langage ment autant que le corps avoue »), défait dans ses certitudes, bousculé dans ses rêves, radicalement changé dans son état émotionnel, comme descendant d’un ring où les mots assénés tiendraient lieu de coups de poing.


La langue de Marivaux, tel un nerf tendu par l’urgence, nous semble être un matériau idéal pour un théâtre d’acteurs-créateurs dont nous sommes de fervents partisans : un théâtre basé sur l’engagement physique des corps, sur un jeu tout en pulsions, sur la manifestation violente de désirs, sur l’acceptation de notre part la plus sombre comme la plus lumineuse et sur l’incarnation, au sens où l’acteur prête sa viande !


Un théâtre également fondé sur la pensée que l’assemblée théâtrale s’étend bien au delà des dimensions de la cage de scène, et que c’est « ici et maintenant » que doit s’opérer, toujours, la rencontre entre des acteurs, une oeuvre et un public.


Que c’est bien à notre monde présent que le théâtre doit parler.


Quoiqu’il en coûte à chacun…


Une scénographie simplifiée au service du sens et de l’action.


Renvoyant aux « tréteaux », nous imaginons un plateau mettant à nu la machine théâtrale et convoquant dans des espaces de jeu sculptés par la lumière, des êtres toujours en présence qui passeront ainsi alternativement du rôle d’acteur à celui de serviteur du spectacle en train de se fabriquer.


En outre, nous envisageons de travailler sur différentes hauteurs (fosse, plateau, structures mobiles…), matérialisant la verticalité des rapports entre les personnages, et la cruelle réalité d’un monde hiérarchisé où chacun aspire à se hisser au niveau de l’autre, ou craint de redescendre l’échelle sociale.


Les costumes, hors de toute référence à une époque, donneront plutôt une idée d’appartenance : les valets, peut être, dans des teintes marron ; Lélio et le Chevalier en grands manteaux noirs, signe d’une certaine aisance financière, mais aussi propre à travestir ; et La Comtesse, seule figure féminine de la pièce, jouant de ses robes au gré de ses inspirations…


Théâtre dans le théâtre et mise en abyme de la représentation.


Tel un emboîtement de poupées russes, la pièce propose différents niveaux de représentation et donc de réalité : en fonction de qui se trouve face à lui, chaque personnage joue un jeu différent. Par des espaces modulables, autorisant des effets de zoom ou de dispersion, nous appuierons notre mise en scène sur ces situations à tiroir. L’action du rideau rouge accentuera encore cette notion de théâtre dans le théâtre.


Nous chercherons ainsi comment le théâtre peut devenir un endroit où chacun se cache et apparaît à l’improviste, espionne, écoute et traque les mensonges et les déguisements feutrés de la vérité… Chacun pouvant devenir potentiellement le voyeur de ce que vivent les autres.


La Fausse Suivante contient l’essence du théâtre des apparences, où le travestissement ludique ou intéressé des genres et des sexes débouche inéluctablement sur une chute brutale des masques qui, même si elle provoque le rire, est susceptible de laisser un goût amer dans la bouche.


C’est ce point de fuite qui guidera notre travail, le théâtre où le mensonge révèle une vérité plus grande encore…

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