« Nous, les objets, quelques-uns, ce soir, on va sortir de notre silence. On a des choses à vous dire ».

C’est ainsi qu’un pèle-pommes interpelle les spectateurs dans le prologue de la nouvelle pièce de Christine Montalbetti. Après Le Bruiteur créé en 2017 au Studio-Théâtre, elle écrit cette Conférence des objets pour cinq acteurs de la Troupe. Dans ses romans, elle aime ouvrir des brèches dans la narration, en exprimant soudain à travers un être inanimé des émotions fortes et des sentiments graves. Elle développe ici ce geste sur une pièce entière ; pour atteindre une évidence de l’incarnation, elle croise son imaginaire avec celui des interprètes.

Auprès du Pèle-pommes-Hervé Pierre, la Boîte à couture-Claude Mathieu, le Parapluie-Pierre Louis-Calixte, l’Amulette-Bakary Sangaré et la Lampe-Anna Cervinka dialoguent ou monologuent sur leur condition de sujétion. Chacun donne vie à « son » objet. Dans cet espace de liberté que leur offrent à la fois l’absence de leur « propriétaire » et leur prise de parole, ils confient leur désir de révolte, leurs origines glorieuses ou inconnues, leurs insatisfactions ou l’autre qu’ils rêvent d’être. On entend leur affection pour la personne qui les a sauvés du grenier, mais aussi les sévices qu’ils subissent et la violence sauvage dont ils sont capables : qui n’a pas failli être éborgné par une baleine de parapluie ? La force de cette fantaisie existentielle est de ne jamais s’écarter du point de vue de ces personnages inusuels. Car l’enjeu, très sérieux, est bien ici de renouveler notre perception de ce qui nous environne, de réenchanter notre relation au monde matériel.