J'ai le regret de devoir rappeler (…) que le père de notre race a été fait avec de la boue. Il reste un peu de cette boue originelle dans les cœurs d'aujourd'hui. Voilà pourquoi il ne faut pas agiter les hommes avant de s'en servir. Quand on les agite, leur âme se trouble, parce que les impuretés du fond remontent à la surface. Des esprits animaux se mêlent alors à l'esprit humain qui est dans l'individu et celui-ci ne sait plus ce qu'il fait.
(Henri Roorda, La boue originelle - 1923)

Henri Roorda est l'auteur trop méconnu d'une oeuvre singulière autant que captivante. On peut citer notamment : Le Débourrage de crâne est-il possible ?, Le Rire et les rieurs, Le Roseau pensotant ou La Ligue contre la bêtise. Après avoir inventé la notion de « pessimisme joyeux » dans son ultime ouvrage : Mon suicide… il se suicide en 1925.

L'actrice et plasticienne Françoise Klein saute à pieds joints dans La Boue originelle, un texte de 1923 qu'elle pétrit, modèle et anime pour fabriquer une sorte de fascinant golem théâtral. Sous le regard de ses complices (Gilles Losseroy, Philippe Poirot, Thierry Mathieu et Olivier Irthum), le rituel s'accomplit et les mots de Roorda, prophétiques, investissent l'espace comme s'ils se gravaient dans la glaise avec un humour corrosif : « Le père de notre race a été fait avec de la boue. Voilà pourquoi il ne faut pas agiter les hommes avant de s'en servir. Quand on les agite, leur âme se trouble, parce que les impuretés du fond remontent à la surface. Des esprits animaux se mêlent alors à l'esprit humain qui est dans l'individu et celui-ci ne sait plus ce qu'il fait.