A l’origine de « L’ultime recours », la puissance du poème de Jean-Pierre Siméon « Eloge de l’inconnu » (paru dans Sermons joyeux aux éditions Les Solitaires Intempestifs), quatre pages symboles du thème central du spectacle et plus généralement de la recherche artistique de la compagnie: la lutte contre la peur de l’autre, de l’étranger, peur amplifiée par les médias et la culture de l’émotionnel qui conduisent au renforcement de politiques sécuritaires et inégalitaires.

Mais comment s’approprier, incarner et transmettre cette densité et cette force à un public qui dans sa grande majorité n’a pas accès à la poésie ?

Danielle Marty : « Des mois ont passé à apprendre et à oublier le poème, à laisser résonner les mots dans ma chair, à les danser, à leur donner corps à travers des gestes, des souvenirs personnels, des situations concrètes fondées sur le rapport aux objets. Le spectacle s’est ainsi formé comme la description de ce travail de recouvrance à travers bribes de vers, trous et errements. »

Alors une évidence est apparue : cet inconnu, c’était le « spectateur », celui dont on craint le regard et le jugement et c’était la contrebasse qui devait représenter ce spectateur, qui est à la fois la cause de la peur exprimée par la femme sur scène, celui qui réagit en miroir ou l’accompagne et qu’il s’agit d’apprivoiser. Ainsi un véritable duo est né.

En reconstituant peu à peu le poème, la femme parvient à se rassembler, à transcender sa peur et à franchir le mur invisible qui la sépare du spectateur. Alors elle chante avec le contrebassiste et dit le poème en entier, fondue dans le public. Alors chaque mot résonne dans le corps des spectateurs préparés à cette écoute, et associés à l’acte même de re-création du poème.