Tout commence le jour où, venu d’on ne sait où, arrive dans la cour de la ferme de la mère Procolp un enfant étrange et de plus étranger.

Ce qu’il adviendra de cette rencontre ?

C’est tout le sujet de L’Adoptée.

Construite autour de quatre personnages : Procolp (une vieille paysanne), Badine (sa voisine mais aussi la narratrice de la pièce), l’Enfant étranger (figurée, dans notre spectacle, par une marionnette à taille humaine) ainsi que, dans une scène finale, le père de cet enfant, L’Adoptée a pour thème le rapport à l’Autre et plus particulièrement à l’Etranger.

Ecrit à l’usage des jeunes générations et de leurs parents, ce plaidoyer pour la tolérance ne répartit cependant pas confortablement les rôles entre « bons » et « méchants », il n’affranchit pas ses lecteurs et ses spectateurs de se questionner sur leurs propres responsabilités, il interroge chacun d’eux de manière personnelle et intime : comment, en effet, chacune et chacun de nous réagira t-il si, au coeur de son quotidien, frappe un jour à sa porte un étranger ?

Ne jugeons donc pas trop vite la mère Procolp de n’être pas des plus accueillante avec cet intrus qui arrive chez elle si abruptement et en si piteux état. Charlot en fit de même avec le Kid, avant, lui aussi de se laisser adopter.

Ancrée dans les souvenirs d’enfance de son auteur à qui l’on interdisait dans le monde rural où il a passé son enfance de fréquenter les « bohémiens et romanichels » de passage dans son village et inspirée très librement du scénario d’un film du grand cinéaste japonais Ozu - « Récit d’un propriétaire » - L’Adoptée semble avoir toutes les apparences d’une pièce réaliste.

Or, à y regarder de plus près, il n ‘en est rien. Rien de naturel, en effet, dans la langue de Joël Jouanneau.

S’y mêlent aussi quelques échappées dans les domaines du conte, quelques plongées dans un cauchemar, en somme tout un univers fantastique et fantasmé qui nous entraine vers d’autres horizons plus surprenants et théâtralement beaucoup plus riches et intéressants à explorer.

Ainsi, aux artifices proprement théâtraux (Enfant Marionnette, Masques, etc.) sont associés une Création Vidéo et une Création Sonore qui entrainent les spectateurs dans un univers singulier.

Au coeur de ce spectacle qui réunit acteurs et spectateurs dans un même espace scénique circulaire (une agora), l’adresse au public est « de règle » mais non « la règle » car nous n’avons pas souhaité résister ni au plaisir de l’illusion, ni à notre constante volonté de rendre palpable, de faire entendre et de donner à voir tous les aspects des personnages, des situations ainsi que tous les registres de l’écriture de Joël Jouanneau.