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L'Impasse, I am what I am

+ d'infos sur l'adaptation de Mikaël Serre ,
mise en scène Mikaël Serre

: Note d'intention

L’insurrection qui vient, essai politique de 2007, nous invite à passer à l’action. Ecrit par un collectif qui se dit imaginaire, il témoigne néanmoins d’une confiance absolue en la créativité des foules en action, et dans leur capacité à inventer des formes nouvelles et de nouveaux Etats. C’est une parole avant tout poétique, scandée, bruyante, une oraison laïque, maximaliste. À l'inverse, Franz Xaver Kroetz écrit Concert à la carte en 1973, et c’est un documentaire muet de nos actions quotidiennes. Ce concert est comme une plage de silence, un chemin triste et silencieux, intime, celui de nos défaites. Et pourtant, à quarante ans d’écart ils témoignent de leur présent, se répondent et s’opposent. A travers la fiction de la représentation, la réalité tue. À travers le collectif imaginaire et son essai politique, le présent est une impasse. Quarante ans après Kroetz, y a-t-il un possible entre cette lente agonie, suite d’actions mélodiques et quotidiennes (personnifiée par l’héroïne de Concert à la carte) et la colère de l’insurrection qui vient ?


Le théâtre et la vidéo, par leur effet de distanciation, de subjectivité, laissent entrevoir que tout ce que nous appelons histoire ou réalité n’est en fait que construction. Mais là où le théâtre pourrait s’apparenter à la frontalité du plan séquence cinématographique, l'image à l’inverse s’impose par une multiplication des points de vue, sans aucun obstacle technique.


Dans Concert à la carte, une femme tente de se libérer de l’oppression du monde du travail aliénant, en mettant fin à ses jours. Si cette exploitation ne se retournait pas inévitablement contre ceux qui la subissent, nous pourrions prétendre à une vraie révolution, mais tout est fait pour que l’action s’effondre, s’épuise.


Le montage invisible


En rencontrant Marijke Pinoy, actrice flamande, mais aussi femme engagée politiquement qui s’interroge dans un pays sans gouvernement, j’ai eu envie qu’elle soit au centre de ce projet, de la voir se confronter à ces extrêmes, seule face à l’état du monde et seule face au public. Sa présence même provoque et questionne d’emblée ces deux pensées, comme une troisième provocation. Le public est sollicité comme le «complice silencieux» dont parle Scott McCloud dans sa fameuse BD sur la BD, où il décrit que chaque geste produit sur le papier est rendu vivant par le lecteur lui-même.


Alors propulsée dans un environnement abstrait qui rattrape la vie, la dessine, la puissance de la suggestion prend toute sa valeur de significations dans une sorte de «roman graphique». C’est l’ici et maintenant de l'image faite en direct, par sa nature, sa fragilité, sa spontanéité (qui en appelle autant à la pulsion qu’à la réflexion), qui sera le vecteur des différentes strates de réalité. L’énonçable, descriptible, interprétable dans un espace multicadre, à l’image d’un jeu de l’esprit, est pris en charge par Sebastien Dupouey.


La stratégie narrative se situe dans le séquentiel, les actions simultanées et/ou temporelles (un peu à l’image du «spleet screen») sont des possibilités de mise en scène pour bâtir un jeu de confrontations et d’associations à la fois temporelles et formelles.


Le dispositif brut, car il ne s’agit pas de proposer une scénographie immédiatement suggestive, ni même élaborée, propose de se confronter aux pouvoirs descriptifs et suggestifs propres à l’image. Des surfaces planes, écrans, peuvent être les supports d’images, de textes visibles, lisibles comme sur une planche, et ainsi donner à voir une structure mentale en mouvement, les états physiques et émotionnels d’un individu.


Notre « héroïne » est prise au piège d’un jeu télévisé, sorte de ruban de Möbius qui sous couvert de témoignage du réel vampirise, annihile les forces à l’image d’un système productiviste élaboré à l’extrême.


On ne peut nier que le monde est en mouvement, et en même temps il y a une envie irrépressible soit de le saisir dans toute sa complexité, soit de partir, loin de l’information, de l’événement, du social, du politique, bref de tout ce qui finalement agit sur nos humeurs et nos aspirations. A un moment ou à un autre, on est tenté par l’envie de disparaître, de s’abstraire, de ne plus participer. Disparaître est peut-être le mouvement le plus naturel finalement, celui qui nous guette tous de toutes façons. M’est revenu alors en mémoire le film Hôtel Monterey de Chantal Ackerman, ou quand la vie s’étrangle dans un hôtel, lieu de tous les désirs et des fins de parcours, des fins de cavale.
Concert à la carte et L’insurrection qui vient sont pour nous un support de travail, les personnages qui les habitent nous inspirent.

Mikaël Serre

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