Ce projet s’est formé après un long cheminement. Il s’est affirmé à la lecture du livre L’évènement, puis s’est confirmé en parcourant régulièrement l’ensemble de l’oeuvre d’Annie Ernaux.

Il s’impose aujourd’hui comme une évidence : celle de donner voix à cette langue si singulière et pourtant si proche de nous.

Le projet se définit ici à travers des hypothèses, des désirs et des ressentis. Il repose sur un travail de lectures et de recherches documentaires très précises sans pour autant prétendre définir ce que sera sa forme définitive. Seule la confrontation au travail du plateau nous permettra de quitter ce stade embryonnaire pour mettre au jour sa réalité théâtrale.

Lectures intimes, lectures à haute-voix, travail à la table, travail dans l’espace, enregistrements… seront des étapes nécessaires à sa réalisation. Chacune des étapes construira ce qui sera le texte définitif, pour ensuite lui donner corps et voix dans une mise en scène. Temps, patience et persévérance permettront le tissage de ces étapes successives.

Après plusieurs mises en scène de textes de théâtre, la compagnie la lune blanche renoue donc avec son travail originel de montage et de collage de textes. Il repose sur le désir de donner corps et voix à une littérature forte et singulière qui n’est pourtant pas destinée, à l’origine, au théâtre. Il s’agit là de la nécessité profonde de convoquer dans l’espace public "l’intime" d’une écriture en lien direct avec le monde.

L’oeuvre d’Annie Ernaux répond plus que toute autre à cette nécessité : tout en restant dans le champ de la littérature, elle offre un regard politique, sociologique, historique, voire ethnologique sur la personne intime qui, de fait, influe sur ce qui l’entoure et réciproquement. C’est à ce titre que le théâtre a toute sa place, mais il faut le trouver dans l’oeuvre existante, composer avec elle, donner corps au langage.

La mise en scène de ce montage de textes extraits de l’oeuvre de l’écrivain Annie Ernaux s’appuiera sur des lignes de force très précises définies par les thèmes suivants :

• L’entrée en littérature. La découverte de la littérature comme un monde en soi, une nécessité, une survie.
• La persistance de notre milieu d’origine dans les actes les plus anodins de notre quotidien. Les motivations et les freins qu’il engendre.
• La tension entre deux mondes provoquée par un transfert social (dominés et dominants, gens d’en bas et gens d’en haut).
• L’abandon de la fiction au profit d’une réalité sociale, culturelle et historique tout en restant dans le champ littéraire.