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L'Épouvante L'Émerveillement


: Présentation

J’ai rencontré Béatrix Beck au printemps 2002, alors que son écriture m’accompagnait de façon prégnante depuis quelques années à travers ses romans et ses nouvelles. Une rencontre à la fois surprenante et familière, hors des conventions : rare. Je parle ici de la femme et de l’écriture. En juillet 2006, j'ai créé une première forme de L'Épouvante l'Émerveillement à la demande du festival "Un Soir à la Campagne" en Normandie, travail de plateau que j'avais entrepris à partir de son écriture romanesque, qu'elle a accompagné de son attention tonique et sans concession au fil de nos échanges, et qui s'est enrichi avec le temps.
Le 30 novembre 2008, Béatrix Beck est morte à l'âge de 94 ans. Elle laisse une œuvre ardente encore trop méconnue au regard de son indépendance d'esprit, de son amour de la langue française, de son attachement aux personnages en marge, aux chemins de traverse. L'écriture de Béatrix Beck contient en elle-même une matière spectaculaire, jubilatoire. Sa verve fouille les figures paradoxales de l’être.
J’éprouve un rapport physiologique à cette langue, une nécessité de lui donner corps et voix. Un souffle. C’est l’enjeu de cette nouvelle création jouée pour la première fois en novembre 2009 : une traversée de plateau, traversée de la langue.
Non pas un simple montage, mais une avancée qui rende sensible mon chemin parcouru à travers ses livres, nos échanges, mes absences, un voyage-paysage.
Une intrusion dans l’intime, avec pour souci dramaturgique le déroulement du dire dans la vision d’un espace mental éclaté.


L’articulation de la scénographie, des sons, lumières, enregistrements, nourrissant les liens ou les ellipses d’un fragment à l’autre.

Faire entendre aujourd'hui la vitalité et la poésie de cette écriture est un hommage nécessaire au parcours exemplaire de cette femme, incroyablement présente au monde jusqu'au bout.


Merci à Béatrix Beck de m’avoir permis d’utiliser L'Epouvante, l'émerveillement, titre de l’un de ses romans, pour ce projet. Il éclaire le paysage mental et émotionnel de la figure exposée: traversée des âges, distorsions du temps, syncopes… à la vie, à la mort.


Merci à Béatrice Szapiro, petite fille de Béatrix Beck, pour la confiance qu'elle me témoigne dans la poursuite de mon travail.


Le matériau-texte reste en mouvement, le plus longtemps possible ouvert au travail du plateau, aux échanges avec ceux qui m’accompagnent aujourd'hui dans cette histoire.


Virginie Lacroix




La mort : point de fuite
L’Épouvante L’Émerveillement, de Béatrix Beck, par Virginie Lacroix


Béatrix Beck n’a cessé d’interroger l’existence et le langage. Sur un plateau dépouillé, la comédienne Virginie Lacroix ne donne pas seulement vie aux textes, elle leur offre un organe respiratoire, une forme toujours en mouvement, une réécriture matérielle et vivante, minérale et végétale.
Un grattement de plume. Un halo de lumière. Une comédienne. Seule. Assise sur une longue boite comme suspendue dans le noir. Cette longue boite trônant au centre du plateau, voila la raison d’être de la création. Le personnage plonge le nez dedans, « Maman chérie, je pense à toi tout le temps », ainsi le cercueil devient le point de fuite d’un tableau qui se dessine peu à peu sous les yeux épouvantés émerveillés des spectateurs. La comédienne y puise la lumière, les souvenirs, toute la matière de sa création, comme si la mise en scène s’écrivait et s’inventait sous nos yeux. Au fil des objets. Des chemins se tracent. Mais quel chemin ? « Chemin de halage. Chemin de ronde. Chemin des écoliers ». Chemin de la création ? Chemin de la vie ? Car peu importe le point de départ, tous reviennent vers le centre du plateau, où selon Pascal Quignard, « la mort est l’ultima linea sur laquelle s’écrivent les lettres de la langue ».
Si le plateau est un espace vide au début du spectacle, la comédienne y déverse rapidement des fragments de vie, souvenirs entremêlés et tas de sable informes comme les restes d’un temps qu’on a égrainé trop vite. Ici, l’expression « vider son sac » n’a jamais autant fait sens. Enfance et vieillesse, vie et mort, épouvante et émerveillement, tout se mêle et tout converge, dans le désordre, pareils à ses cordes qui se tendent entre la longue boite et les murs du théâtre.

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