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Kill the cow

mise en scène Hervé Guilloteau

: L’Amour vache

On ne sait pas grand-chose de ce qui s’est produit l’an dernier dans la vie sentimentale de cet homme. Il a vécu un drame, c’est certain. L’amie chez qui il s’est réfugié, partage sa vie avec un chanteur de variété serbe. Elle se consacre entièrement à la carrière de son mari et organise présentement le concert qu’il donnera à la fête de la musique. La sono est branchée chez des commerçants pas très clairs, autrefois armuriers, aujourd’hui détaillants de savon. Plus un flic. Tiens donc ?



J’aimerais bien mettre en scène un spectacle de guerre. Comme un film de guerre. Mais le seul grand conflit auquel j’ai participé remonte à l’adolescence. Le seul combat que j’ai mené fut contre la maladie, lorsqu’elle décida subitement de contrarier le fonctionnement normal de mon corps. Ceci, j’en ai parlé la saison dernière. La victoire tente d’interroger ceci : « Et même dans le pire des cas, je vous dis que souffrir constitue un levier et peut être moteur ! ». À voir.
Une fois guéri, je m’étais promis de ne plus jamais me plaindre à cause d’une morsure d’abeille et ce n’était pas non plus une histoire d’amour qui allait m’ébranler ! C’est pourtant ce qui m’arrive.


Les abeilles, je m’en sors en appliquant un spray sur la plaie. Tandis que l’amour, ça me couche des journées entières. Le psychiatre m’a conseillé de fixer rendez-vous à mon passé seulement trente minutes par jour maximum. C’est une technique. Je m’impose un horaire : 17.30/18.00. Vous pouvez choisir une autre tranche, ça dépend du planning de chacun. Lorsque le sujet surgit, hors créneau, je me refuse à le considérer et je mets le sujet en réserve – le sujet qui fait mal – pour le ré-appréhender seulement entre 17.30 et 18.00. Sinon je dis ce n’est pas l’heure de ton rendez-vous. Vous comprenez ? Et quand il m’arrive d’oublier mon rendez-vous, parce que je ne suis pas forcément libre entre 17.30 et 18.00, je suis obligé d’attendre le lendemain même heure. D’une certaine manière, j’ai gagné une journée de souffrance. Et je ne peux pas changer la tranche horaire comme je veux sinon ça serait trop facile.


J’ai peur que ça ne passe pas. Alors que partout ça pète, une histoire d’amour, j’ai peur que ça ne passe pas.


Pourtant, je suis certain que l’originalité intrinsèque de ce projet réside dans la transgression que constitue aujourd’hui le fait de présenter sur une scène publique, ce qui relève du drame le plus intime. Parce que les mythologies modernes occidentales et les progrès du savoir humain ne sont parvenus ni à atténuer l’ampleur d’une catastrophe du coeur ni à raisonner l’homme face à son impuissance et sa démence. Et puis encore un spectacle sur la liberté, pourquoi faire, parlons plutôt de moi !


J’ai eu du mal à savoir sous quel angle j’allais transposer ma propre histoire d’autant que je tente quotidiennement de l’oublier. C’est ce qu’on appelle un maso. Bien entendu, j’ai eu le temps d’analyser ce qui s’était passé mais c’est digne de Toute une histoire, l’ex-quotidienne de l’ex-junkie Delarue. Le thème de l’émission serait : « J’ai vécu avec quelqu’un qui me trompait, qui voulait le beurre, l’argent du beurre et le cul de la crémière ». Rien de neuf.


Je n’ai jamais pu me faire à cette idée de partage. Je me suis renseigné. J’ai consulté polyamours.fr et j’y ai découvert la problématique de ceux qui aiment plusieurs personnes à la fois. Je me souviens aussi d’une longue discussion avec les videurs d’une boîte échangiste, ils voient tout. Les Inrocks « spécial sexe » expliquaient qu’aujourd’hui, la partouze est autant pratiquée que le football ou le théâtre amateur. Sur les photos, je ne croyais à aucun sourire. Cela dit, je ne crois même pas aux vertus de la révolution sexuelle de 68. Je pense que le discours était finalement très autoritaire et que ça arrangeait bien les mecs parce que ça leur permettait d’aller baiser ailleurs. Et qu’on ne me dise pas que c’est une opinion judéo-chrétienne, parce que ça n’a rien à voir avec une opinion ! Calme. C’est un vrai truc de tenter de répondre à 68. Quoi qu’il en soit, je me suis fait bien avoir par le discours.


X avait mis le nez dans Pessoa et avait retenu cette phrase : « Il y a du sublime à gaspiller une vie qui pourrait être utile, à ne jamais réaliser une oeuvre qui serait forcément belle, à abandonner à michemin la route assurée du succès !». Je réagissais : « Mais Pessoa, au moins, il l’a écrit ! ». « Avec toi, on a l’impression qu’on va décrocher la lune ! » disait X. Je confirmais : « Oui et au pire, on aura atteint les étoiles ! ».


To be continued,

Hervé Guilloteau

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