Judith est une héroïne de la Bible dans l'Ancien Testament : jeune veuve juive, dont la ville est assiégée par l'armée assyrienne, elle se rend dans le camp ennemi, séduit le général Holopherne et lui tranche la tête pendant son sommeil avant de l'empaler sur les remparts, provoquant la déroute de l'armée adverse.
Judith me bouleverse parce qu'elle accomplit l'interdit. Sacrifiée ou putain, monstre ou héroïne, l'enjeu n'est pas là. Elle est humaine, c'est à dire contradictoire et complexe, terrifiante et sublime à la fois.

Barker s'empare du mythe biblique mille fois utilisé, le déplace et le renverse, pour en faire une pièce courte, dense et violente, où les personnages se débattent dans le chaos de leurs désirs, leurs extases, leurs vérités et leurs mensonges. C'est une tragédie, inéluctable, mais grinçante, drôle parfois, de cynisme et de cruauté.
Ici, Holopherne est un général désabusé et mélancolique, et quand Judith pénètre dans sa tente pour accomplir la tâche héroïque qu'elle s'est donnée, un jeu nouveau se met en place, étrangement érotique. Porté à son extrême, il ne peut que conduire à la mort. Judith et Holopherne s'y perdent et s'y dévoilent, bousculant l'ordonnancement politique évident du crime. Sous le regard de la Domestique, "l'idéologue" comme l'appelle Barker, qui, de témoin devient guide, ordonnatrice, puis esclave.

On est loin de la notion de Bien et de Mal présente dans la Bible. Judith, Holopherne et la Domestique sont hors de toutes les lois, y compris celles de la provocation. C'est le Théâtre de la Catastrophe, l'écriture du Désastre, qui sont à l'image de notre siècle.