Juanita, une mère qui dérange.

Le personnage de Juanita est subversif au sein du foyer car il ne correspond pas à une figure maternelle conventionnelle. Les choix de cette femmes sont interprétés par le père et l'adolescente comme un signe de folie alors que pour l'enfant il s'agit de l'ambition saine de faire ce que l'on aime. C'est ce noeud qui m'intéresse, la diversité de points de vues sur les états de marge. L'Enfant du fait de son jeune âge est ouvert à tous les possibles et pourrait vivre avec sa mère masquée. Il porte sur la différence un regard confiant et poétique qui contraste avec le climat ambiant plus accroché à la norme. Le texte reste finalement assez ambiguë. On ne sait pas si elle part par désespoir de ne pas être une « bonne mère » où si elle est prise d'une conviction si forte qu'elle ne peut renoncer à ses idéaux. Je cherche à mettre en avant cette ambivalence entre la foi en soi et la culpabilité d'être au monde. Dans tous les cas elle part et dans l'inconscient collectif une mère n'abandonne jamais ces enfants. Pourtant à la fin aucun personnage n'a de haine. Tous sont ébranlés et doivent reconsidérer la cellule familiale. La vie doit continuer.

Estimer la parole de l'enfant.

Très sensible au thème de l'enfance et à la construction identitaire j'ai choisi d'intégrer deux enfants sur scène. Marwan et Jinane, 9 et 13 ans seront les passeurs. L'Enfant est un personnage central dans le texte car il est le médiateur. Il est le seul à interroger à voix haute la vie de la maison J'ai choisi d'orienter l'écriture de son point de vue afin de renouer avec l'état d'enfance, sa réceptivité immédiate et son pouvoir de transformation extraordinaire par l'imaginaire. J'invite le spectateur à estimer l'individu enfant et accorder du crédit à sa parole mais aussi à ces rêveries. Le personnage de LEnfant comprends les malheurs du monde avant de les avoir vécu. Il ne choisit pas entre ses parents mais essaie de créer du dialogue. L'Adolescente symbolise le mutisme dans lequel on peut se réfugier lorsque que l'on est confronté à une situation d'injustice. A leurs manières, les deux enfants grandissent un peu trop vite, par les responsabilités qui leur incombent et par leur lucidité.

Manger et dormir, une vie familiale?

J'ai choisi de mettre en avant la répétition de deux moments importants dans la vie familiale. Le repas ainsi que le coucher nous révèlent les points sensibles du foyer. Les scènes de repas sont de plus en plus déstructurées. Le quotidien se dégrade, la famille mange éparpillée ou ne mange plus. Nous retrouvons le père à chaque repas de plus en plus alourdi à l'idée de cuisiner pour ses enfant. Les enfants vont à la fin prendre possession de la cuisine, signe d'abandon des soins qu'ils méritent, livrés à eux même. Le coucher est aussi un repère. J 'ai choisi de mettre en avant la difficulté d' aller au lit. Les enfants n'y vont pas si on ne leur demande pas et l'enfant n'arrive pas à investir son espace, il préfère dormir dehors. La répétition de ces nuits à la belle étoile nous font sentir la lourdeur du climat intérieur. Tous se croisent à un moment dans le jardin comme si il était impossible de trouver le repos et que seul l'errance nocturne pouvait apaiser les esprits tourmentés.

Le mysticisme comme réponse à tout.

Croyances, superstitions, symboles, esprits, voix... Tout est prétexte à justifier nos choix , à accepter ce qu'on appellerait la destinée. Le mal de vivre devient alors surmontable. Accepter l'invisible c'est accepter qu'il existe une autre réalité et notre point de vue sur le monde varie inéluctablement. Juanita , l'enfant et Magadalena sont les personnages qui verront et entendront ce que les autres ne peuvent atteindre. De l'ouverture spirituelle à l'hallucination chacun tentera d'expliquer l'inexplicable. Le choix du Mexique dans cette proposition n'est pas anodin car la culture mexicaine de part ces influences diverses est emprunte à des croyances et des pratiques allant de la religion à la sorcellerie.