Après les textes que nous avons montés ces dernières années qui, stylistiquement, nous ont fait aborder de longs monologues, nous avions envie de renouer avec un dialogue et une certaine légéreté de parole en gardant une densité dans la rencontre verbale. Et nous avons trouvé un combat singulier, un duel de deux femmes que nous propose Jeux de scène du Français d’origine greco-turc Victor Haïm qui est un texte contemporain comique de grande exigeance.
Ce face à face aborde le thème du « théâtre » sous différents aspects : une répétition impossible entre une auteure -metteure en scène et une actrice , mais aussi un « spectacle » intimiste que se joue deux amies. A la question, qu’est-ce qui pousse nos deux personnages à se retrouver dans le noir d’une salle vide de théâtre? nous avons simplement répondu : le désir d’être ensemble, de se dépasser et fatalement d’affronter ses histoires. Mais il y a aussi ce désir autrement obscure, lié à l’enfance ou à la nuit des temps ancestraux, de se retrouver dans un lieu « magique » qui est plus ou moins, une projection de notre boîte cranienne où se jouent des milliers de spectacles. En bref, parler ici du théâtre c’est encore et toujours parler de l’homme debout comme les murs du théâtre qui dans cette pièce « ont la parole » ou la mémoire, un lieu de civilisation contre la barbarie qui rôde au dehors, et dans notre pièce c’est une dictature.
Bien que nous n’ayons pas la prétention d’avoir un message à délivrer, puisqu’un spectacle théâtral est avant tout un croisement de voix qui porte en plus ici un texte d’auteur en traduction, il reste qu’il y a eu un désir dès le choix de cette oeuvre. Avec Jeux de scène c’était un peu l’occasion de poser avec humour la question des pouvoirs et des compromissions possibles que chacun des partenaires était prêts à faire pour jouer un rôle au théâtre comme dans la vie. En découle ici des affrontements comiques au sein d’un couple de femmes sado-masochiste qui va se conclure sur un accord ponctuel montrant que si la rencontre des différences et le mélange des genres, au théâtre comme dans la vie, n'est pas une entreprise aisée, c’est un moteur de la vie et de l’amour, une résistance contre ce qui nous sépare, nous rapetisse et nous écrase.