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Hôtel Palestine

+ d'infos sur le texte de Falk Richter traduit par Anne Monfort
mise en scène Jean-Claude Fall

: Les deux concepts de "Hôtel Palestine"

Deux concepts y sont centraux (et bien sûr discutables).
Celui de « Fascisme soft » et celui de « Citoyenneté faible ».

Le « Fascisme soft » est un concept avancé par le sociologue américain Richard Sennett.


Il s’agit d’un fascisme dont le vrai visage est caché sous le masque de la démocratie, de la liberté d’opinion, d’expression, de mouvement, de culte (ce que le FN de Marine Le Pen a bien compris).
« Quand le fascisme s’installera dans ce pays, il sera recouvert d’un drapeau et portera une croix ». (Sinclair Lewis[1]).
Tout commence et finit par le contrôle des médias (la propagande comme on disait dans le temps).
« Il n’existe plus nulle place où le débat sur les vérités qui concernent ceux qui sont là, puisse s’affranchir durablement de l’écrasante présence du discours médiatique et des différentes forces organisées pour le relayer. Le faux sans réplique a achevé de faire disparaître l’opinion publique qui d’abord s’est trouvée incapable de se faire entendre ; puis, très vite par la suite, de seulement se former. (…) L’autorité spectaculaire peut (alors) également nier n’importe quoi une fois, trois fois, puis parler d’autre chose, sachant bien qu’elle ne risque plus aucune riposte » (Guy Debord[2], « Réflexions sur la société du spectacle »).
Ce « fascisme soft » a pourtant bien toutes les caractéristiques du fascisme ordinaire: un état ultranationaliste, militariste et policier, inféodé aux lobbies des grandes corporations et des organisations religieuses, et qui exerce un contrôle réel total de l’information. N’y manquent que les milices partisanes.
« Les corporations contrôlent depuis longtemps notre gouvernement, et le fascisme soft de ce contrôle par les lobbies dirige en fait tout depuis les coulisses » (Cindy Sheehan[3]).


La « citoyenneté faible » est le moyen d’imposer sans douleur cet état des choses.


« Au cours du XXème siècle, l’Etat en est venu à s’impliquer totalement dans la micro-gestion de la vie quotidienne. Les besoins du marché sont devenus son obsession. (…) et parce que l’Etat s’est de plus en plus impliqué dans l’instrumentation quotidienne de la docilité des consommateurs, son existence et sa survie en sont venus à dépendre de plus en plus étroitement de sa capacité à investir et à contrôler le monde-image –ce monde alternatif produit grâce à la nouvelle batterie de « machines à émotion perpétuelle » (au rang desquelles la télévision fait figure de triste pionnier) qui bombardent les citoyens à tout instant du matin au soir. Ce monde-image fut longtemps une nécessité structurelle pour un capitalisme dédié à la surproduction de marchandises ; donc aussi à la fabrication constante du désir de marchandises. Mais à la fin du XXème siècle, il donna lieu à un mode spécifique de gouvernement. L’Etat moderne a désormais besoin de cette citoyenneté faible, il dépend de plus en plus du maintien d’un espace public pauvre et aseptisé, où seuls survivent les fantômes de la société civile. Il s’est parfaitement ajusté aux exigences de son maître économique qui réclamait une texture sociale plus mince et plus fluide, composée de sujets-consommateurs vaguement rattachés les uns aux autres, tous enfermés dans leur box et dans leur cellule familiale de quatre personnes. Une citoyenneté faible donc, mais faisant l’objet, pour cette raison même, de l’attention constante et inquiète de l’Etat –attention se matérialisant sous la forme d’un flot ininterrompu de modes idiotes, de paniques orchestrées et d’images-motifs, toutes destinées à réinsérer les citoyens (discrètement et « individuellement ») dans le simulacre funeste de la communauté » (Retort[4], « Des Images et des Bombes »).

Notes

[1] Sinclair Lewis (1885-1951) romancier et dramaturge américain.

[2] Guy Debord (1931-1994) écrivain, essayiste, cinéaste français. Fondateur de l’Internationale Situationniste .

[3] Cindy Sheehan (née en 1957) pacifiste américaine, ex-membre du parti Démocrate.

[4] Retort collectif d’opposants au capitalisme et d’universitaires issus des sciences humaines.

Jean-Claude Fall

20 avril 2011

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