theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « Hiroshima mon amour »

Hiroshima mon amour

+ d'infos sur l'adaptation de Julien Bouffier ,
mise en scène Julien Bouffier

: Note d'intention

Un Hiroshima mythique


Duras choisit pour lieu de rencontre amoureuse, Hiroshima, un des lieux les plus représentatifs de l’inhumanité. Comment faire évoluer ces amants étrangers l’un à l’autre (elle est française, lui, japonais) sur les cendres d’une civilisation anéantie par la bombe atomique. De qui, de quoi tombe-t-on amoureux, pris ainsi dans les méandres de sa conscience d’occidental face à cette situation dont nous ne pouvons pas, ne pas nous sentir responsable? J’ai voulu décontextualiser le texte en imaginant un Hiroshima légendaire, symbolisant la terre culpabilisante et ainsi embrasser l’Histoire moderne. De nombreux territoires possèdent en eux ces déchirures causées par l’Homme. Aujourd’hui moins spectaculaires et moins radicaux qu’une bombe nucléaire, ces conflits continuent à détruire des civilisations, des valeurs humaines. Et même si je ne veux pas comparer une explosion atomique avec ces multiples conflits liés à des enjeux internationaux dépassant largement les populations mises en cause, devons-nous nous taire et passer notre chemin? Notre Hiroshima sera la somme de tous ces territoires endeuillés. Un plateau de théâtre ouvert aux quatre vents du réel, riche de toutes ses mémoires. Nous allons parcourir le monde à l’écoute de chacun pour constituer ce nouvel Hiroshima


L'autre


Qui serait aujourd’hui « le Japonais » de Duras ? Qui serait cet ancien ennemi, cet étranger du bout du monde ?Serait-il le même d’où que nous soyons ? Qui, dans notre société mondialisée, est notre étranger ?


Nous construisons ce projet par étapes, en France et à l’étranger. En équipe légère (une actrice, un vidéaste, un technicien), nous partirons au Japon, en Espagne, en Italie à la recherche de « L’Etranger », notre « japonais » pour essayer d’en définir notre vision. A chaque territoire, un comédien. « L’Etranger » sera syrien à Montpellier et Vitry/Seine, il sera espagnol à Barcelone.
A chaque étape, nous recréerons le spectacle avec ce nouvel acteur, riches des spectacles précédents bien sûr, mais aussi dans l’espoir de tout recommencer, comme pour une nouvelle histoire amoureuse.


Chaque histoire d’amour est-elle une nouvelle histoire ou le recommencement d’une précédente ? Rencontre-t-on vraiment l’autre ou projetons-nous sur lui nos désirs ? Cette recherche de l’Autre révèle un des problèmes les plus importants auquel l’humanisme moderne est confronté.
Comment l’aventure individuelle (l’amour en étant le meilleur exemple) s’implique-t-elle dans l’aventure collective, historique et sociale ?
Dans quelle mesure le malheur des autres gêne-t-il (doit-il gêner) le bonheur individuel ? Dans quelle mesure le bonheur individuel doit-il tenir compte du malheur collectif ?


La peau


C’est une rencontre charnelle et non pas mentale à laquelle nous invite Duras.
Des corps, des peaux, qui s’embrassent, se touchent, se caressent, brûlent.


Quand La Femme aime l’Allemand, elle oublie l’uniforme, la guerre, les antagonismes.
C’est une histoire de peaux au milieu du réel, au milieu d’autres corps.
Rencontrer l’autre, c’est accepter un corps étranger, enfermé lui aussi dans son « sac de peau ».


Comment montrer chacun, enfermé dans son  « sac de peau » ?
Comment rendre sensible cette confrontation entre les locataires de ses « sacs de peaux » ?


Le film est aussi une peau sur laquelle s’inscrivent des images.
Une peau perméable à nos regards de spectateur, une peau dans laquelle nous pénétrons mentalement. Mise à plat, sur une scène de théâtre, cette même peau est une distance entre nous, spectateurs, et eux, sujets. Comment transcrire cette « peau primitive » du cinéma ?


La scénographie traduira formellement la matière textuelle de Duras (qu‘elle a pensé pour être tournée au cinéma), en confrontant le personnage d’ELLE à sa réalité d’actrice et de femme. Les deux personnages sont cernés par le public installé de part et d’autre de la scène. Ce dispositif bi-frontal s’oppose bien sûr au rapport que le spectateur connaît au cinéma. Il ne s’abandonne pas à l’illusion puisqu’il discerne l’autre partie du public en face de lui. L’importance du regard porté par les autres sur l’histoire de chacun est ainsi décuplée.


Le temps anonyme


Le Temps est un personnage d’Hiroshima mon amour.
Une femme s’est égarée entre le Présent et le Passé.


Le Présent de la femme sera affirmé comme étant le nôtre. Elle serait déjà revenue d’Hiroshima. Elle vient transmettre ce qu’elle a vu. Elle se présente à nous comme le témoin, le porte-parole pacifique. Et pourtant très vite, son histoire intime nous dévoile que le Présent ne tire pas la leçon du Passé. Le Présent dévore le Passé et l’oubli permet le recommencement.


Le Temps, dans l’amour, c’est la mort de l’amour. L’amour est oubli. L’oubli des autres, jusqu’au scandale. Et puis l’amour est oubli de l’amour car c’est grâce à l’oubli d’un amour que peut naître un autre amour.
En allant à Hiroshima, la Femme convoque le passé, confond les temps et les amants.


La Femme, devant nos yeux, réinvente l’illusion théâtrale en faisant du Japonais son ancien amant allemand. Le Japonais devient acteur d’une histoire qu’il ne connaît pas mais qui modifie sa perception de la situation qu’il vit. Comme le spectateur, il s’identifie au destin d’un autre et devient anonyme.


Mais l’anonymat n’est-il pas le danger numéro un pour l’individu aujourd’hui ?


Nous tenterons, grâce à tout le travail filmique que nous aurons pu faire dans nos déplacements, de caractériser ce présent, de le rendre documentaire.
Sur scène, derrière les deux cellules « photogrammes », se diffusera le film du réel, du présent.


Ainsi la « petite » histoire des amants se déroulera sur fond de la « grande » histoire de l’Humanité.


Lyri(c)que


Duras note dans ses didascalies que le texte de la Femme au début de la première partie est dit d’une voix terne et récitative. Dans le film de Resnais, nous avons l’impression d’assister à une prière. Au lieu de nier la musicalité de l’écriture, Emmanuelle Riva (l’interprète du film), tout en suivant les consignes de Duras, élève le texte au rang de chant.


Je prolongerai ce travail formel sur la langue en y associant un musicien/ chanteur. Tout en étant le référent temporel des spectateurs (il est le seul à être dans le présent des spectateurs), il accompagnera la Femme dans son geste mémoriel. Sa présence permanente sur scène ne sera pas un décorum mais bien motrice de l’action. Le chanteur soutiendra musicalement le parcours de la Femme mais interviendra aussi directement en prenant en charge du texte de l’Homme. Certains passages, comme la première partie, donneront lieux à des chansons.


La mémoire neuve


Parallèlement au spectacle, un travail vidéo sera accompli sur la quête de l’Autre entreprise par la Femme.
Dans chacun des territoires que nous traverserons, nous auditionnerons des « autres possibles » que nous conserverons en mémoire vidéo.
Ceux-ci ne viendront pas forcément nourrir le spectacle mais un film, perpétuellement en cours, que nous donnerons à voir à chaque étape de notre création.

Julien Bouffier

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.