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Hellfire (Feu d'enfer)

+ d'infos sur l'adaptation de Yves Charreton ,
d'après Hellfire de Nick Tosches
mise en scène Yves Charreton

: Notes sur Feu d'enfer

par Yves Charreton, 2007

Un texte


Je suis tout à fait d’accord avec Greil Marcus lorsque, dans sa préface à Hellfire il écrit que le texte de Tosches prend la forme du sermon biblique. C’est une très belle matière à dire ; un sermon à plusieurs voix, pour raconter une édifiante histoire entre le Ciel et l’Enfer.


Ce dont je suis sûr aujourd’hui, c’est de ne pas écrire une « vraie pièce de théâtre » à partir de ce livre. Je garderai le style narratif, bâtirai autour du « il », celui du sermon.


Feu d’Enfer / Hellfire raconte une tension monstrueuse entre les aspects les plus violents du puritanisme américain, et la sexualité assumée du rock’n’roll.
C’est une belle biographie de Jerry Lee Lewis ; mais c’est surtout une vraie histoire américaine : celle d’un gamin de Louisiane, un jeune blanc issu d’une longue lignée de colons sudistes qui, après avoir vécu lors des messes pentecôtistes la transe de Dieu, à l’adolescence découvre dans les bouges nègres le blues, « la musique du diable ». Là naît cette tension, qui le nourrira et le détruira toute sa vie. La transe de Dieu et la transe du Diable…


Sur scène


De vrais «diseurs» de texte : Stéphane Bernard, Douce Mirabaud (une jeune comédienne remarquable avec qui j’ai travaillé ces deux dernières années dans le cadre du compagnonnage du NTH8, et qui aujourd’hui aura tout à fait sa place dans cet univers) ; et moi. Nous serons les narrateurs, qui pour quelques instants parfois endosseront des rôles et incarneront des personnages. Ce type de théâtre, constamment adressé au public, est celui que je recherche depuis mes deux derniers spectacles sur les nouvelles de Dylan Thomas.


Et trois régisseurs, fabricants d’univers : Seymour Laval, responsable de la scénographie, de la lumière, modifiera les espaces, créera les images… Catherine Delmond, oscillera entre la fabrication de sons et une complexe régie-costumes agissant à vue sur le travail des acteurs. Eric Dupré mettra en forme l’univers sonore.


Musique et son


J’adore le livre de Nick Tosches. Et pourtant la musique de Jerry Lee Lewis ne m’intéresse pas. Ce qui m’a nourri fortement quand j’étais adolescent, c’est le pop-rock des années soixante, les Stones, les Who, Dylan, puis leurs extensions psychédéliques avec Pink Floyd, Hendrix, le Velvet, etc.…, pour ne parler que des très connus…
Mais il n’y a pas eu sur ces artistes une écriture aussi forte que Hellfire. Il y a juste eu des articles, des faits, des anecdotes, mais pas une matière-texte comme celle-là. Et ce qui compte pour moi c’est la langue. C’est le texte qui me sert de moteur.
Contrairement à ce que j’avais imaginé à une époque, ce spectacle n’utilisera pas sur scène les instruments mélodiques fétiches de la musique pop-rock (pas de guitare électrique, de clavier, de guitare basse, etc.…).


Nous fabriquerons plutôt un très riche univers sonore, souvenir d’un bayou imaginaire réinventé. Avec plusieurs micros et de tout petits instruments - ces instruments archaïques comme sifflets, guimbardes, crapauds de bois -, avec aussi des objets domestiques détournés de leur fonction première et utilisés ici comme sources sonores, nous créerons un grouillement d’éléments sonores. Parfois quelques fragments de vieux blues ou de rock, traces fossiles, dans cet univers qui laissera aussi une part belle au silence.
Il sera ponctué de respirations apportées par des chants a capella. Très mélodiques, ces chants seront écrits à partir d’extraits du texte de Tosches, et aussi à partir de paroles de chansons (en américain et en français). Ce seront des compositions originales, greffées sur l’univers sonore ou nées du silence…


Espace


Ce qui m’intéresse, c’est de considérer l’espace scénique comme un lieu peuplé de personnes et de machines, un lieu sans cesse mouvant et réinventé, où l’on voit le travail de plusieurs personnes en action.


Depuis longtemps j’aime mettre en scène le rôle du régisseur plateau ; surtout lorsque c’est Seymour Laval. Son travail est très agréable à regarder ; il est d’une grande élégance, à la recherche du geste efficace, juste et calme, proche de l’épure. Dans cet esprit, une régie costumes modifiera à vue le corps des comédiens. Ces changements, pendant le jeu, en modifient l’acte.


Des croisements s’opéreront entre le jeu des acteurs et les actions des régisseurs, plateau, costume, son. En mettant en scène ces rencontres, je mettrai les régisseurs en jeu.


L’été dernier je cherchais comment définir ce nouveau projet, je relisais d’anciens dossiers et dans le dossier artistique de PN de DT (Poèmes et Nouvelles de Dylan Thomas) j’ai retrouvé : «une rêverie âpre sur la naissance et la mort, le désir et le puritanisme, en liaison avec les pouvoirs de la nature ». Cela m’a frappé de voir à quel point certains éléments de ce descriptif s’accordaient avec le nouveau Hellfire : désir et puritanisme, et plutôt puritanisme et sexualité…


Tous mes spectacles réalisés depuis 2002 sont une suite de variations sur ces thèmes-là ; avec bien sûr divers angles d’éclairage, selon l’époque, le lieu, le contexte etc.… : C’est par le désir immense d’Harriet Bosse perdue que Strindberg parvenait à la jalousie pathologique et à la paranoïa, mais aussi au douloureux processus de création. Dylan Thomas confrontait son désir de vie (et de mort) à la culture puritaine anglaise, avec une joyeuse touche d’humour désespéré mais vivifiant… Nick Tosches raconte un Jerry Lee Lewis, trublion à l’âme déchirée entre les menaces du Saint-Esprit et les charmes du diable – ce dernier prenant la forme du piano boogie-woogie.

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