: Note d’intention
LE RÊVE DE GRETEL
C’est à travers les yeux de la jeune fille que
se tisse l’histoire du spectacle.
À travers les filtres de sa perception, de ses
peurs, de ses désirs, de ses fantasmes…
ET SI...
Et si l’histoire d’Hansel et Gretel se déroulait dans le quotidien d’une famille tout à fait ordinaire ?
Et si Gretel, aux prises de son imagination, avait vu en sa vieille cabane une maison de sucreries, en la clôture du jardin une rangée de pain d’épices, et en sa mère une sorcière...
Et si la faim dévorante l’avait amenée à pousser sa mère dans le four pour se nourrir de sa chair cuite…
LA SORCIERE, UNE FIGURE AMBIGUË
Dans plusieurs versions du conte, après
avoir tué la sorcière, les enfants rentrent
chez eux, ils retrouvent leur père veuf.
On comprend alors que la sorcière était en
fait la mère de Hansel et Gretel.
D’un endroit à l’autre du conte, il y a un comme jeu de vases communicants entre les deux personnages féminins, figures malignes aux deux visages dangereux (la mère infanticide et la sorcière cannibale) qui créent par leur omniprésence une fausse unité d’espace et disparaissent en même temps dès lors que les enfants acceptent l’idée du combat et de la fuite salvatrice d’un foyer certes nourricier mais aussi aliénant et funeste.
Pour traiter la métamorphose d’un cocon familial en un monde fantastique, c’est tout l’univers plastique et sonore qui se transformera sur le plateau.
De la scénographie aux accessoires
en passant par les costumes, nous
convoquerons ainsi l’ambivalence entre la
mère et la sorcière, en travaillant sur un
costume transformable.
A partir d’une même base couleur et
forme, la robe de la mère se transformera
en une robe de sorcière maléfique.
Le col, les manches, le bas de la robe
sembleront pousser comme l’image de la
bonne mère se transformant en celle de la
mauvaise mère.
LE PASSAGE A L’ACTE DE GRETEL
Dans la première partie du conte, c’est
Hansel, le frère, qui domine la situation,
protège sa soeur, cherche des solutions.
Dans la seconde partie, Hansel se
retrouvant prisonnier d’une cage, devient
le personnage passif de l’histoire. Gretel
est obligée d’agir, de prendre des décisions,
de passer à l’acte.
C’est à ce moment qu’elle devient l’héroïne
du conte.
UNE APPROCHE CINEMATOGRAPHIQUE
L’histoire de Hansel et Gretel est plus
ou moins connue de tous. La maison de
sucre, la sorcière anthropophage, la cage,
le four, sont autant d’éléments du conte
identifiables par tous.
Dans le conte il y a deux parties très
distinctes : le quotidien de Hansel et
Gretel, avec leurs parents dans leur
petite maison près de la forêt familière,
et l’histoire fantastique qu’ils vont vivre
au milieu d’une forêt inquiétante, dans
une maison imaginaire, pris au piège d’un
adulte aux pouvoirs étranges.
Le spectacle traitera le conte de façon nonlinéaire.
Chaque image, étant déjà chargée
dans la mémoire collective, portera en
elle seule le sens. Et entre deux images,
c’est l’imagination du spectateur qui sera
invoquée.
Le spectacle se crée par une succession de
scènes mystérieuses et intrigantes.
Proche de la métaphore poétique. Un travail
visuel, construit comme une suite d’images
dramaturgiques, fera de chaque scène de
Gretel une approche cinématographique.
ENTRE FORÊT PROFONDE ET RÊVE AUX TONS ACIDULES
L’adaptation visuelle du conte oscillera entre
forêt sombre et profonde, et décors aux tons
tranchés, vifs, comme un curieux cauchemar.
L’idée est d’entrer dans le conte de la
façon la plus naturelle, sans surprise,
et que petit à petit, la magie fasse son
apparition sans qu’on s’en aperçoive,
qu’elle nous surprenne et nous entraine
irrésistiblement dans les profondeurs
d’une histoire fantastique.
Parfois à la lisière d’un film d’épouvante
cocasse, le spectacle plonge dans un
imaginaire enfantin, marqué par les peurs
extrêmes et les cruautés fugaces propres
au monde de l’enfance.
Dans un environnement douillet aux
couleurs acidulées se déroule une histoire
cruelle, à base d’angoisses et de tabous
comme l’abandon, la maltraitance et le
cannibalisme.
La forêt
Le travail sonore de Vincent Martial,
musicien flutiste et ingénieur son se fera
à partir de prises de sons dans des parcs
naturels, jungles et forêts de l’Asie du Sud
Est, pour nous entrainer dans une forêt
profonde et inquiétante.
La journée, les biches, les oiseaux, les lapins,
les renards gambadent, mais quand vient
la nuit, c’est au tour des hiboux, chauvesouris,
chats noirs et autres animaux
terrifiants de régner sur la forêt pour nous
amener jusqu’à l’entrée d’une charmante
petite maison toute rose…
Les animaux de la forêt seront fabriqués à
taille réelle et manipulés en prises directes
par des marionnettistes vêtus de noir, à
la façon des marionnettes bunraku. Ils
se transformeront ensuite en d’étranges
géants masqués, invoqués par la sorcière...
ou par les fantasmes de Gretel.
Les plasticiens et marionnettistes David
Girondin Moab et Catherine Hugot
travailleront à les rendre hyperréalistes. Ils
seront confectionnés en fourrure, latex et
mousse.
Le choeur des biscuits
La vilaine sorcière cannibale mange les
enfants qui se perdent dans cette forêt. Cet
appétit contre nature se trouve symbolisé
par ces enfants transformés en pain d’épices
qui entourent la maison de la vieille dame.
Ils sont les victimes, mais aussi les témoins
de ceux qui leur succèdent.
Ils tentent d’avertir et d’aider Hansel et
Gretel à échapper à la sorcière, dans l’espoir
de pouvoir, un jour, rompre le charme qui
les emprisonnent et rentrer chez eux.
Ces personnages jouent le rôle du choeur
antique, omniprésent et omniscient.
Nous avons ici des images connues de
notre enfance, naïves et désuètes pour les
pousser vers ce qu’il peut y avoir de plus
inquiétant, oscillant toujours entre rêve et
cauchemar.
LA SCÉNOGRAPHIE
Gretel est plongée dans le rêve, au milieu
de ses souvenirs. Les personnages de son
quotidien tournent autour d’elle et se
transforment, comme métamorphosés
par son imagination. Chaque personnage
évolue et grandit, marionnette hyperréaliste,
homme masqué, géant de
fourrure...
La scénographie est à l’image de cette
fantasmagorie. Une plaque tournante
dont elle est le centre. Une tournette sur
laquelle les personnages apparaissent et
disparaissent, évoluent et se transforment,
dansant autour d’elle une transe
diabolique.
Le sol est couvert d’une pelouse verte
pomme. Une balançoire descend
des cintres. Un lit d’enfant suspendu.
Une maison de sucreries fourrée aux
cauchemars...
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