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Fin de partie

+ d'infos sur le texte de Samuel Beckett
mise en scène Charles Berling

: Entretien avec Charles Berling à propos de la mise en scène

Pourquoi avoir choisi Beckett et plus précisément Fin de partie ?


Beckett me passionne. Il a un regard de poète absolu, une incroyable lucidité sur la condition humaine, la violence qui régit les rapports humains. Et puis, c’est un auteur qui a réussi à briser et reformuler tous les codes du théâtre. Quand on lit ses textes de théâtre on est dans une écriture inattendue, singulière. Beckett est dans le langage du corps. La pantomime n’est pas loin. Le clownesque également. Ce sont ces dimensions qui me bouleversent, m’émeuvent et me font rire.
Fin de partie est une pièce que je trouve parfaite, elle associe si bien la violence absolue, la tragédie humaine à la fantaisie, au rire, au loufoque. J’ai le sentiment que ni l’auteur, ni les personnages ne se prennent au sérieux, il y a une forme de distance par rapport au drame de la vie que je trouve absolument réjouissante. Ce n’est pas pour rien qu’on parle de ce regard d’aigle de Beckett. Il sait qu’à la base de toute relation humaine, il y a un rapport de force, un dominant et un dominé. C’est ce que raconte Fin de partie mais à la manière des clowns, c’est à dire avec de l’outrance.



Parlez-nous du processus de création…


Quand je monte une pièce, je travaille par étapes. Par strates. La distribution m’obsède un premier temps. Au départ j’étais dans une idée réaliste du lien de filiation entre Clov et Hamm. Pour Hamm je pensais à quelqu’un de plus âgé que moi, qui joue Clov. Et puis, quand on m’a parlé de Dominique Pinon, pour jouer Hamm, je me suis dit que la relation père, fils entre Clov et Hamm tenait plus à l’organisation de leur vie, de leur quotidien et que leur âge passait au second plan. Il se trouve que Fin de partie est la première pièce que Dominique Pinon a vu adolescent et que c’est celle qui lui a donné envie de faire du théâtre, il est donc très intéressé pour jouer Hamm. Pour les deux autres personnages dans les poubelles, je souhaite de très vieux acteurs pour que le spectateur voit la vieillesse devant lui, qu’il l’admire et qu’il en rit en même temps. Pas des acteurs grimés en vieux.


Que vous évoque cette vieillesse ?


Grâce à cette pièce je rencontre une génération d’acteurs un peu oubliés, exclus et devenus presque invisibles. Comme Nagg et Nell dans la pièce. C’est l’occasion pour moi de parler de la vieillesse sans que ce soit douloureux, avec plaisir. La mort est un sujet vivant, qui intéresse énormément les vivants. Dans l’univers de Beckett on fout les vieux dans une poubelle. Beckett raconte quelque chose de très dur et très cruel mais les vieux dans la poubelle sont craquants. Il y a autour de leurs personnages de la violence, de la cruauté mais un humour, une tendresse et un charme incroyables. Le regard de Beckett sur la vieillesse est sans concession en même temps qu’il déculpabilise.


Comment se sent on avec toutes ces indications scéniques, les didascalies ?


C’est comme une magnifique symphonie écrite par un génie, un maître de théâtre. Toutes les didascalies sont de précieuses indications de jeu et Beckett, à travers elles, nous suggère le rythme de la pièce. On les interprétera au même titre qu’on interprètera les dialogues, et ce cadre particulier que donne Beckett dans son écriture est plus un facteur de liberté qu’une contrainte. Beckett a écrit des pièces de théâtre qui ne sont pas seulement des dialogues mais aussi des mouvements.


Comment la scénographie contribuera à cette « partition musicale » ?


Au départ c’est parti des poubelles que j’imaginais en fer donc faisant un bruit violent. Nous avons réfléchis avec le décorateur sur le rôle du fer, entre autres, dans le décor. Je souhaite également que les murs résonnent, qu’ils vibrent au rythme de la pièce. C’est une façon de raconter la violence et la fébrilité de la pièce, de cet univers froid où les êtres sont pourtant en ébullition. C’est un intérieur gelé, mortifère et paradoxalement extraordinairement vivant, jubilatoire et drôle. Ils y voudraient enfin de l’ordre, ils n’y créent que plus de chaos.
La force de Beckett est qu’il décrit une réalité très simple mais qu’il n’en ferme jamais le sens.



En conclusion…


La forme que je voudrais donner au spectacle doit être pour moi extrêmement simple en rapport avec la réalité des situations de la pièce.
Toute mise en scène doit être reliée à la vie d’aujourd’hui. Cela doit résonner pour le public, transformer le regard, enrichir, rendre plus conscient des choses, un peu plus vivant.
A l’instar de grand artiste comme Louise Bourgeois exposée en ce moment à Beaubourg, Beckett se sert de l’art, ici du théâtre, pour se libérer des souffrances de la condition humaine. Il nous libère de ce fait. Je l’en remercie et c’est pourquoi je veux le servir au plus près de ce qu’il nous a laissé. Fin de partie est une pièce époustouflante que nous interpréterons avec modestie mais ferveur.

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