: Note d’intention
Envisager le projet «Fauves» c’est aller à la rencontre d’un «monde», pénétrer le périmètre de
son inscription sociale, tenter d’en cerner les composantes. C’est, depuis quelques années
maintenant, l’intention première qui m’anime et qui inaugure la genèse de chaque projet.
C’est une entreprise humaine qu’il m’a fallu organiser sur la base d’un certain
savoir-faire relationnel qui a oeuvré à réunir les personnalités attendues selon une chronologie
de rendez-vous qu’il a fallu nécessairement honorer... le point de départ en a été le
printemps 2009.
Durant l’été 2010, j’ai eu face à moi un groupe constitué d’une dizaine d’adolescent(e)s qui
m’ont rappellé leur intérêt à participer à une expérience collective qui a pris la forme d’une
singulière comédie musicale.
Les développements de cette collaboration ont abouti à une restitution publique des
résultats de cette expérience partagée en préservant la vérité et la sincérité de l’implication
de cette tribu adolescente...
Ces jeunes gens ont investi une forme qui satisfait leurs attentes concernant les enjeux et
les promesses spectaculaires qui caractérisent en premier lieu, aujourd’hui, une comédie
musicale...
La somme de leur potentiel artistique a été valorisée à travers l’écriture d’une partition qui a
pris soin de s’intéresser à la singularité expressive de chacun, ce que la posture identitaire
provisoire laisse échapper dans ce qu’elle a de plus naturel dans ses manifestations
publiques.
Mais l’ambition secondaire de ce projet est d’apporter un éclairage particulier sur comment
ces corps heureux en devenir se bâtissent dans les turbulences des mutations culturelles
que nous traversons. Comment ce temps de construction de soi dans un réel violemment
modifié se nourrit aujourd’hui de la question centrale du rapport au désir et au plaisir que ces
jeunes entretiennent à travers leurs conduites sociales.
Comment l’idéologie néolibérale oeuvre à neutraliser l’appareil critique de ces adolescent(e)s
et quels signes déjà palpables révèlent à leur endroit l’émergence de ce que le
psychanalyste Charles Melman appelle : une nouvelle économie psychique... qui les
conduira entre autres à participer le plus rapidement possible à un monde qui est celui
des jouissances accomplies* sans entrave, dans un état d’être sans l’autre, sans l’idée
encombrante de l’autre.
Il s’agit aussi d’exposer, dans le faisceau de tension qui accompagne ces années de
passage, la puissance de l’affirmation de soi comme l’emblème propre à ces verticalités
conquérantes... IT’S NOW OR NEVER ! La structure de «Fauves» oscille donc dans un vaet-
vient délicat entre ces deux niveaux.
Un certain nombre de chansons inscrites dans la mémoire collective et interprétées par
cette chorale particulière introduisent, sur le ton de l’ironie et de façon générique, différents
moments où ces représentations adolescentes gagnent une dimension saisissante par la
vérité du face-à-face qu’elles assument à travers le contenu.
Cette proposition s’applique à élargir le spectre des publics auxquels elle est susceptible de
s’adresser. Ainsi, de notre place d’adulte, elle trouve un écho mémoriel dans l’adolescent
que nous avons été et le parent que nous sommes devenus.
Pour l’adolescent présent dans la salle, l’effet miroir a la vertu, je l’espère, de stimuler ou
d’intensifier des niveaux de réflexion sur son existence de jeune adulte.
«Fauves» trouve peut-être, à sa façon, la capacité de mettre ensemble ces deux mondes
dans un vis-à-vis particulier qui génère des seuils de reconnaissance salutaires mais
provisoires.
Michel Schweizer
Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné,
Je me connecte
–
Voir un exemple
–
Je m'abonne
Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.