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Face de cuillère

+ d'infos sur le texte de Lee Hall traduit par Fabrice Melquiot
mise en scène Michel Didym

: Présentation

Cette « enfant qui ne parle pas comme une enfant»


Ce temps d’adolescence où l’enfant et l’adulte cohabitent


Un court moment dans l’existence d’une fille jeune, juste à ce temps de transition, ce temps d’adolescence où l’enfant et l’adulte cohabitent, se superposent, s’observent.
Au premier abord, un moment sans importance particulière, si ce n’est que l’enfant n’aura peut-être pas le temps de devenir adulte. Minée par un cancer Face de Cuillère risque de bientôt mourir et le sait, son problème étant de s’habituer à l’inacceptable, comme elle a dû, déjà, s’habituer à bien des difficultés. Notamment à son visage, que les autres voient comme un globe lisse, pareil au dos d’une cuillère. Elle s’y fait difficilement, et bien entendu ne l’aime pas. Les “autres” ne lui ont pas appris à s’aimer. Ni son père trop absent, ni sa mère trop amoureuse de l’alcool, ni personne.
Tous la considèrent au mieux comme une gentille attardée, c’est du moins ce qu’elle pense. « Maman m’a dit qu’à ma naissance, c'était nuit noire et il pleuvait et le tonnerre avec ça [...] mais je m’en fichais parce que j’étais à l’hôpital et maman m’embrassait et quand elle a regardé ma figure elle a remarqué qu’elle était toute ronde – et tout le monde est venu me regarder la figure – et ils ont rigolé [...] »


Cette voix qui chante la tragédie de la mort


Alors, par jeu et défi, elle se lance dans des exercices de calcul insensés, et – stupéfaction – maîtrise les nombres à l’infini. Et plutôt que de vouloir oublier son désespérant destin en cédant aux sirènes des groupes, icônes de sa génération dont les musiques sont moulinées sur toutes les ondes, sur son vieux magnéto elle écoute Maria Callas. Elle choisit de se fondre à cette voix qui a survécu, qui chante la tragédie de la mort, tout en lui offrant sa splendide sensualité.


« l’essentiel, c’est la beauté»


Pour Michel Didym, metteur en scène de Face de cuillère, la presque enfant à laquelle Romane Bohringer donne sa fragilité rayonnante fait le choix de l’essentiel.
« L’essentiel, c’est la beauté. C’est la beauté du chant qui la traverse au long de son chemin vers une mort trop tôt attendue. Qui lui enseigne une manière de sagesse. En tout cas de lucidité, aidée en cela par une rencontre décisive. Celle de son médecin. Il a compris qu’elle ne supporterait pas les faux-semblants en forme de consolation. Lui, dont la mère est morte à Auschwitz, lui a raconté, lui a fait connaître la détresse et aussi l’espoir du monde, la nécessité, la possibilité en n’importe quelle circonstance, d’opter pour la dignité. »


L’élégante simplicité


d’une écriture qui crée la distance Si l’auteur de la pièce n’était Lee Hall – scénariste de Billy Elliott, le petit prolo qui au cinéma, pour échapper à un avenir médiocre, choisit le moins évident : la danse classique – on pourrait craindre le débordement mélopathétique. On en est bien loin, d’autant que le traducteur (aux éditions de l’Arche) est Fabrice Melquiot, inventeur d’un théâtre de la jeunesse qui n’a peur de rien, qui a vu naître Bouli Miro, (créé au Studio de la Comédie- Française en 2002) gamin obèse, peureux, amoureux. Alors, tout naturellement, il s’est attaché à cette « enfant qui ne parle pas comme une enfant ». Il a aimé, il a transmis l’élégante simplicité d’une écriture qui crée la distance, et au travers d’un humour sensible, éloigne le pathos.


L’ingénuité provoque le rire, le sourire


« Face de Cuillère ne parle pas comme une enfant, mais sa voix, son regard sont ceux de l’enfance. L’ingénuité qui transparaît dans la façon dont elle s’exprime provoque le rire, le sourire. Elle est lucide, c’est vrai, ce qui ne l’empêche pas de maintenir la naïveté de son âge dans ses réactions, jusque dans les questions qu’elle se pose, qu’elle pose.»
Le théâtre est hanté par la mort, y compris dans les farces, parfois les comédies. Il traite rarement de la maladie, condition plus physique, plus proche, plus difficile à admettre. Un état de fait qui, pour Michel Didym, peut devenir nuisible, sinon dangereux.
« Se détourner de la maladie et de la mort, en cacher aux enfants la réalité ne sert à rien. Le travail de deuil, fût-ce de son propre deuil est indispensable. On doit leur apprendre à assumer ce travail, et de quelle manière.»


Des “jeunes”, secoués, ont accepté la gravité et la douceur


Quoi qu’il en soit, vers quels publics se dirige l’histoire de cette fillette confrontée à sa propre dégradation physique, à son issue imminente? Pour le metteur en scène comme pour le traducteur, la question ne se pose pas. Tous les publics. Y compris les enfants, tout au moins les adolescents. Une lecture en a été donnée à la Mousson d’Hiver (manifestation initiée par Michel Didym, au cours de laquelle sont présentés des textes inédits) et le leur a confirmé. Il y avait là des “jeunes”. Évidemment, ils ont été secoués, mais ne se sont pas détournés, ont accepté la gravité et la douceur.
Michel Didym ne s’étonne pas. La pièce met en paroles des peurs tellement naturelles, que l’on éprouve de la difficulté à les reconnaître, à se les avouer. Et pour Fabrice Melquiot, il s’agit là d’une allégorie sur cette contradiction fondamentale que chacun au fond de lui apprend dès le moment de sa naissance.
« La mort plane sur cette entreprise de démolition qu’est la vie. Et, en contrepoint, il y a le courage de savoir s’en moquer, de vivre debout. »


Colette Godard

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