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Etat d'urgence

+ d'infos sur le texte de Falk Richter traduit par Anne Monfort
mise en scène Basile Yawanké

: Présentation

Je vois le monde qui s'édifie de frontières. Chez moi, chez vous et ailleurs : des kilomètres et des kilomètres de mur pour séparer. Le béton. Gris. Armé. Dur. Hostile. Je pense aux bunkers. Aux prisons. Je pense à « la libre circulation » et me dis qu’il faudrait que je me transforme en capital pour accélérer l’obtention de mon visa.


Je relis.
Je vois une famille en déroute. Brisée par un système qui l’a sucée jusqu’au sang.


Il y a une femme, épouse et mère, qui s’agite et qui parle. C’est la PEUR qui l’anime. La peur de l’autre, la peur de perdre, la paranoïa, l’instinct de survie. Et puis il y a aussi la peur du gendarme. Qui nous fait abdiquer toute volonté personnelle. Pour garder sa place, on fait ce qu’on nous ordonne. Quitte à vendre son âme au diable. Plus de force pour autre chose. S’occuper de ses enfants ou faire une bonne partie de baise avec son mari ou sa femme sans avoir la tête aux exigences du consortium qui nous attend le lendemain, ça devient difficile, car il y a, confortablement installé dans l’amygdale gauche de notre cerveau, un gendarme prêt à siffler, et dans l’amygdale droite, un clochard au visage envieux et menaçant.


La parole fonctionne comme un tourbillon. Un tsunami. Je pense aux images crachées par les écrans de télévision. Ça fonctionne pareil. Je suis noyé. Et je ne sais plus où est la vérité. Il y a cette question de la vérité. Qui ment ? Qui est double ? Qui complote ? Et le menteur sait-il lui-même qu’il ment ?


L’homme est noyé sous le flot de paroles de sa femme. Elle-même noyée par le flot d’images qu’elle a vues, à la télé, sur les caméras, dans ses rêves, par le petit trou du mur qui la sépare des autres.


Ce garçon qui veut partir à n'importe quel prix, car son père, dit-il, « ne fait rien, ne sert à rien ». Ça me fait penser à tous les fils et filles de « la mère » Afrique, comme on aime l’appeler là d'où je viens, et qui, ne la reconnaissant plus, veulent la quitter à n’importe quel prix, se jetant dans des embarquements de fortune et dans les vagues meurtrières de la mer.


Je relis et relis.
Je remarque qu'il y a un quatrième personnage, non physique mais omniprésent. Il est derrière les chiffres et derrière les caméras de vidéo-surveillance. Il s'appelle “ILS”. Qui est “ils”? Une main invisible, un système, une idéologie appréciant l'humanité en termes de normalité et la mesurant en chiffres? Tout ça me dépasse. Le pouvoir du politique sur la vie privée. Comment échapper à ce monstre invisible qui réduit petit à petit l’humanité à un jeu dans lequel chacun est un pion qui doit avancer sagement et à la sueur de son front sur l’échiquier mondial, sans autre but que de nourrir les plus forts ? Comment garder sa liberté au sein de ce système? Falk Richter parle de fascisme soft. Y serait-on ?

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