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Espaces insécables

Johanne Débat ( Mise en scène )


: Note d’intention et dramaturgie

Nous avons imaginé plusieurs histoires. Au coeur d’un fonctionnement individualiste (je crois que c’est le nôtre), nous avons imaginé des histoires autour de la mort, des personnages qui traversent des deuils, d’autres qui les anticipent, des histoires où tout le monde aimerait bien être à la hauteur face au regard des autres – ce qui n’est pas toujours évident. Parce qu’on en pensera pas moins.
Le plus simple, pour ne pas trop prendre de risque, pour avoir le droit de se tromper, serait de s’inventer des jeux. L’idéal serait tout simplement de pouvoir faire semblant.


L’idée du jeu sous-tend entièrement ce projet de création, qu’il s’agisse de notre méthode de travail, des thématiques que nous abordons, ou encore des histoires qui en émergent.


Cette recherche au plateau que j’ai menée s’est appuyée sur la création de règles et de contraintes empruntées au domaine du jeu de société et au courant oulipien. Le but du jeu de cette démarche est de créer des fictions, à partir d’un travail d’improvisation, à l’intérieur de cadres arbitraires que nous inventons afin de parler des règles absurdes du monde qui nous entoure.
L’idée de l’élaboration d’un jeu comme méthode de travail s’appuie notamment sur la pensée sociologique de Roger Caillois dans son ouvrage Les jeux et les hommes. Ce projet s’est ainsi questionné sur l’idée du jeu en lien avec plusieurs aspects de notre société – la réussite, l’échec, le regard de l’autre, la cruauté d’un système dans lequel on ne parvient à s’adapter, le droit à l’erreur, la prise de risque...


J’ai donc imaginé ma méthode de travail comme un jeu et ma dramaturgie comme un labyrinthe. Je pense à Raymond Queneau qui décrit l’auteur oulipien comme « un rat qui construit lui-même le labyrinthe dont il se propose de sortir ». J’ai imaginé un jeu dont les pistes sont multiples, ambigües, un travail sur les temporalités, les fausses ressemblances, les mises en abyme et les glissements qui viennent troubler le spectateur, qui lui donne une liberté dans sa compréhension de la narration. Tout en laissant un espace de liberté et de création pour mes comédiennes, j’ai cherché à laisser un espace d’interprétation pour ceux qui suivront l’histoire. Ma trame narrative ne vise pas à résoudre les questions qu’elle pose. Elle préfère créer du trouble, de l’illusion, pour que les grilles de lecture soient multiples. Ou laisser les choses où elles sont, pour ce qu’elles sont. C’est une dramaturgielabyrinthe où l’on pense se perdre, mais où l’on apprend en chemin.
J’ai imaginé ce travail sous une forme ludique, vive, profonde, dans une générosité de plateau qui soit en connexion permanente avec le spectateur.


Ce travail d’improvisation nous a mené à créer des variations autour de la question du jeu et de la mort. A travers la question du deuil, nous nous interrogeons sur le regard de l’autre, sur de la prise de parole en public et de la difficulté d’un tel exercice, et donc sur l’idée de la réussite, de l’échec, de ses conséquences, de l’estime de soi. Le jeu est l’endroit idéal pour atténuer l’échec, pour limiter les conséquences, pour nous permettre ensemble d’aller regarder du côté des petites humiliations, en passant par l’humour, l’absurde et le cynisme.


Ce que nous questionnons en explorant la question de la mort par le jeu, c’est l’idée de vivre parmi les autres dans un rapport de compétition et de jugement. De tenter de relever le défi – ou en tout cas : d’avoir envie de réussir, au moins un petit peu. Et de se poser la question : comment être capable se confronter à l’idée de la mort si ce n’est par un jeu ?

Johanne Débat

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