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Elvire Jouvet 40

mise en scène Miguel Fernandez

: Le Ravissement d’Elvire

Au Conservatoire d’Art dramatique de Paris, à raison de sept séances qui ont lieu entre le 14 février et le 21 septembre 1940, Louis Jouvet fait travailler à une jeune actrice, Claudia, la dernière scène d’Elvire (acte IV, scène 6) du Dom Juan de Molière. Claudia répète chaque fois la scène devant la classe assemblée, qui intervient de temps à autre sous l’impulsion du Maître. (...)


Parmi tous les cours publiés, la singularité des sept leçons à Claudia vient de ce qu’on assiste à l’initiation finale d’une élève parvenue au terme de son apprentissage, laquelle a lieu dans cette scène de Dom Juan à l’épreuve d’un des sommets de l’art théâtral. « Je trouve que c’est la tirade la plus extraordinaire du théâtre classique », dira Jouvet. (...)


Le soin exceptionnel apporté à la sténographie, qui reproduit les humeurs, les silences, les mouvements, la respiration même des participants, des « personnages », fait de ces documents un moment de théâtre exceptionnellement vivant : nous sommes tout près de connaître le secret du théâtre au travail, nous assistons à l’énigmatique accouchement d’une artiste, nous nous faisons voyeurs de la double passion du maître et de l’élève. (...)


Afin de la préparer à cet art sans artifice, Jouvet traque chez Claudia les coquetteries, les habiletés, les joliesses, il réduit à néant tous les plaisirs qu’elle retire de son savoir-faire. (...)


Une mise en scène est un aveu, disait Jouvet, et c’est bien à la déclaration d’un aveu que ces leçons nous font assister. Elles semblent en effet, à mesure que l’on s’achemine vers la fin, les stations marquées d’une approche de l’art théâtral, comme d’un « phénomène de chimie céleste » (...)


Jouvet veut Claudia comme Elvire : extatique, inconsciente, égarée, et même anorexique, dans un « état de viduité » tel que l’actrice devienne pure transparence, pure voix qui jaillit entre le texte et le monde, pure interprète.
« C’est quelqu’un qui vient délivrer un message malgré lui. » Jouvet parle d’Elvire à Claudia, mais ce faisant ne lui donne-t-il pas une définition de l’acteur, la plus utopique et peut-être la plus belle ? À la fin de ces leçons, en effet, nous avons affaire à quelqu’un qui n’est plus Claudia, à quelque chose qui n’est plus pour la comédienne « la niaise manie de son moi encombrant qui la possède ».


C’est après de longs mois d’exercices, d’entraînements physiques et spirituels, que surgit ce moment soudain et merveilleux où de l’oubli de soi naît pour elle le grand Art du théâtre. Ça parle. Comme les maîtres zen se réjouissent quand, dans l’art chevaleresque du tir à l’arc japonais, « quelque chose a tiré ».
« La nue éclate, on voit tout à coup l’apparition et puis elle parle, et quand c’est fini, c’est fini. »


Ainsi Louis Jouvet enseignait-t-il en 1940 l’art de l’acteur.

Br igi t t e Jaques

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