: Note d’intention
Nous sommes jetés dans un monde où l’image est omniprésente.
Des images pour vendre, expliquer, divertir, guider, dévoyer.
Dans une société libérale, où tout est permis, sans tabous mais aussi
sans repères.
Et au sein de cette jungle de l’image, nous devons « trouver notre
bonheur », notre voix, notre voie et notre moi.
Mais comment faire quand on ne s’entend pas réfléchir et ressentir ?
Tim, Cassie, Mark et Rose, quatre jeunes adultes vivant dans le poumon économique de l’Europe, dans cette ville-monstre qu’est Londres, se démènent pour trouver leur chemin selon leurs croyances, leurs projections et leurs aspirations.
« Pour découvrir le sens profond de la vie, il faut être capable de dépasser les limites étroites d’une existence égocentrique et croire que l’on peut apporter quelque chose à sa propre vie.»[1]
Et c’est traditionnellement par les histoires, les contes, les mythes,
que les enfants appréhendent ce sens et s’initient au monde des adultes.
Chacun des personnages d’Eigengrau a une quête.
Embourbés dans leur paradigme, leurs illusions et certitudes,
ils se battent pour atteindre leur idéal. En se rencontrant,
Ils se séduisent, se confrontent, se nourrissent
et se heurtent mutuellement.
Face à des rencontres et des événements inédits, du
moins pour eux, poussés dans leurs retranchements,
les héros doivent faire un choix entre ces idéaux que
poussent les images, les impératifs de la ville et se faire
violence. Se faire violence en prenant du recul sur son
égocentrisme et en s’ouvrant vers l’autre. Mark, Cassie,
Tim et Rose accepteront-ils que, peut-être, ils ne vivront
pas heureux et n’auront pas beaucoup d’enfants mais
qu’il ont, par contre, la possibilité de vivre leur propre
vie ?
Cette violence dans le conte et le mythe ne se fait que
lorsqu’ils n’y a plus d’alternative et c’est Rose qui se sacrifie
: confrontée à l’échec de ses rêves, elle s’aveugle
comme OEdipe. Le traumatisme chez les autres personnages
est tel qu’ils sont contraints de se confronter à
eux-même et de dépasser leurs limites.
La pression de la ville, de notre monde post-moderne, post-tertiarisé,
dématérialisé et constamment connecté est notre paradigme. Abreuvés
d’informations, d’histoires ou de “storytelling”, poussés vers une gratification
immédiate, cette nécessaire prise de conscience et de distance est
particulièrement violente et se fait, contrairement à l’initiation traditionnelle,
dans la solitude.
Cette relation ambivalente avec les média et, les images est fondamentale
dans Eigengrau. Par une création sonore sur les voix écrites par
Penelope Skinner ainsi qu’une création visuelle, le spectacle transporte
le public de la quotidienneté anodine et divertissante de ces intrusions
visuelles et sonores (pubs, podcasts, iPod, SMS, annonces, tweets, MMS,
youtube, articles, porno etc.) à ce monstre, cet oppresseur qui empêche
l’individu de se réaliser. Et ainsi en voulant se distancer des acquis, se
libérer des traditions, notre société renoue avec ses racines tragiques et
mythologiques.
Eigengrau embarque le public dans un voyage initiatique 2.0 un rituelsitcom vers l’âge adulte confronté à un mondeoù, à force de trop vouloir voir, resentir, réaliser, l’homme s’aveugle. Aurore Kahan et Zoé Lemonnier
Notes
[1] B. Bettelheim, La Psychanalyse des rêves, 1976, éd. Robert Laffont, p. 14
Aurore Kahan et Zoé Lemonnier
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