theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « Division III (Jaune oraison) »

Division III (Jaune oraison)

+ d'infos sur le texte de Julien Mages
mise en scène Julien Mages

: Entre urgence et poésie

au-delà du réel, une écriture ouverte comme un flux de pensées

Propos recueillis par Nalini Menamkat, mars 2008


Division III fait suite à Cadre Division et Division Familiale, peut-on parler d’une trilogie ? Y a-t-il une continuité entre ces différents textes ?


Il n’y pas de véritable continuité entre ces textes si ce n’est le rapport à une certaine division intérieure, une schizophrénie, un mal d’exister. Il y a bien sûr des points communs entre mes écrits mais les histoires restent différentes. Dans une certaine mesure, Division III est un texte moins réaliste que les deux autres. Je suis parti d’idées comme la dépendance affective, le traumatisme, la résilience qui en découle, la volonté d’abnégation, l’amnésie par rapport à un passé douloureux et l’isolement volontaire.


L’action n’étant pas centrale, qu’est-ce qui guide le mouvement de cette pièce ?


L’histoire est simple, il n’y a pas d’intrigue complexe, ni de développement à suspens. Une maîtresse et sa servante vivent dans une réclusion volontaire. Puis arrive une fille, s’agit-il d’un fantasme ou d’un être réel ? Cela reste ouvert. L’énigme se situe avant tout dans les rapports entre les personnages. Le récit est porté par leur conflit intérieur, leur difficulté à être. On ne sait pas très bien où elles sont. L’histoire qu’elles se racontent apparaît dans une succession de mensonges et de fantasmes. Mais en même temps, tout est crédible. Il reste une ambiguïté sur le degré de réalité des choses et cela me paraît intéressant.


L’influence de la psychiatre est-elle prépondérante dans ce travail ?


La psychiatrie est une excuse pour évoquer des personnages qui sont profonds, opaques, qui sont dans une non acceptation et dans une abstraction d’eux-mêmes. Il reste que ce point de rupture peut potentiellement être atteint par une personne normale et raisonnable, socialement bien intégrée. Le fait de verser dans des délires, de se trouver confronté à des pulsions de mort, est un mal possible qui peut se réveiller face à certaines cassures de la vie.


Les trois personnages ont une certaine rudesse, comment expliques-tu ce mélange entre un univers presque masculin et ces voix de femme ?


Je ne me suis pas posé la question de la psychologie féminine. Je pense que si j’avais essayé de me mettre dans la peau d’une femme, j’aurai peut-être pu tomber dans l’écueil de certains clichés. J’ai sans doute tenté de faire parler mon côté féminin. Mais une femme qui n’a plus besoin d’être femme dans une société, peut devenir très dure. Dans la pièce, la maîtresse et la servante utilisent un langage de recluses, d’enfermement qui échappe à toutes sortes de conventions sociales, de bienséance. Il y a quelque chose de rugueux mais aussi de lucide. C’est la simplicité de leurs paroles qui défie parfois le sens et la raison.


De ton texte se dégage un grand lyrisme mais aussi une urgence ; comment fais-tu pour préserver cette frénésie ?


Je passe beaucoup de temps à créer un monde, mais le moment de l’écriture reste très instinctif. Il y a une tentative de traiter des moments de crise, des moments de conflit, de doutes tout en préservant une dimension poétique. Pour écrire cela, il faut se mettre dans un flux de pensées qui est parfois brisé par le sentiment, qui ânonne, qui hoquette, qui se dégage par jet. J’ai beaucoup travaillé sur la forme. Je cherche une forme originale qui ouvre au sens ; j’écris de façon à ce que la réplique puisse apparaître de manière ouverte et multiple. Il y a une volonté de scinder les propositions, de casser la syntaxe pour avancer par syncope. Le vers libre me permet de marquer la gradation des choses et de suggérer des ruptures possibles. Je me suis défait de la ponctuation qui, trop souvent, bloque le sens, enferme le texte, donne un ton qui fige. J’essaie justement de préserver cet état à fleur entre la crise et le lâcher prise.

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.