theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « Dernier caprice »

Dernier caprice

+ d'infos sur le texte de Joël Jouanneau
mise en scène Joël Jouanneau

: Présentation

Fantasiestücke théâtrale


Le 10 avril 1964, le pianiste Glenn Gould choisit Los Angeles pour faire ses adieux au public. La nouvelle surprend les mélomanes, mais sans plus. L’artiste a habitué son public et son entourage à ce qu’il était convenu d’appeler ses excentricités. Et si certains s’apitoient, peu y croient et beaucoup se gaussent, dans l’attente du concert qui infirmera la décision. Les sceptiques, gardons-nous bien de les juger et comment ne pas les comprendre : ne sont-ils pas légion ceux qui, à un âge souvent avancé et pas seulement dans le domaine musical, ont fait savoir leur retrait de la vie publique pour mieux faire ensuite commerce de leurs adieux ? Glenn Gould lui, n’a que trente-deux ans, et pourtant il ne sera pas de ces tartarins-là. Jusqu’à sa mort, laquelle interviendra en 1982, il ne donnera plus aucun concert.


En 1964, je n’avais que dix-huit ans, et j’écoutais plus volontiers Kili watch et Ya ya twist que les Variations Goldberg. J’attribuais même alors probablement à ce Goldberg l’oeuvre de Bach dont je ne pris connaissance que beaucoup plus tard, je veux dire bien après Hendrix et Coltrane, faisant par la suite un usage immodéré de cette oeuvre, tel le puceau qui inaugure les joies du sexe à un âge tardif et se découvre alors, mais pour un temps mesuré, un corps de cabri.


De Gould je ne savais rien non plus et s’il m’arrive sans complexe d’affirmer que son interprétation des variations est indépassable, c’est pour dire comme tout le monde et non par conviction, car en vérité c’est la seule que j’aie jamais entendue, et si c’est sur la sienne que mon choix s’est porté, c’est, je le confesse, plus du fait des «excentricités» du pianiste que par connaissance musicale. Disons que la célèbrissime dimension de sa chaise compta plus dans mon choix que l’intériorité de l’interprète, et c’est pourquoi j’affirme ce qui suit : si j’avais été le seul auditeur de Gould, il eût raison de renoncer.


Reste cette décision à laquelle il ne faillit pas et qui continue de sonner dans mon crâne comme un appel à la déraison dans une époque glacée par sa logique marchande. J’ai tenté, par la petite Fantasiestücke théâtrale qui suit de la comprendre de l’intérieur. Si donc on y voit Glenn Gould et Petula Clark dans leur loge peu avant cet ultime concert, et sous l’oeil de Walter Brown, de fait, tout ici est pure fiction, sauf pour moi.


Joël Jouanneau




Glenn Gould
(1932-1982)


Glenn Gould est devenu mondialement célèbre dès son premier enregistrement des variations Goldberg à l’âge de vingt-trois ans. La virtuosité et la passion animant chacune de ses interprétations l’ont immédiatement imposé comme un artiste hors pair qui fascinait un public toujours plus nombreux. En 1964, il surprit une nouvelle fois ses admirateurs en renonçant définitivement à se produire en concert.
Plusieurs raisons ont été évoquées pour expliquer ce choix très exceptionnel pour un interprète d’aussi haut niveau. Son aversion à caractère phobique du public, des avions, le faisait terriblement souffrir, lui qui était de caractère fragile. Mais au-delà de cet aveu d’échec, son idée que le concert est une institution rendue désuète par les possibilités offertes par les technologies d’enregistrement et de communication justifie encore mieux ce choix.


Glenn Gould jouait comme s’il enveloppait son piano de tout son corps, jusqu’à oublier et le piano et le corps. L’étrange posture qu’il prenait, assis sur un tabouret diminué, jouant comme un bossu, faisait dire à de mauvaises langues qu’il jouait avec son nez. Glenn Gould justifiait cette technique par le fait qu’elle permettait une grande précision, et une meilleure clarté, ce qui fait justement son style. Le handicap de cette position est qu’elle ne permet pas l’obtention d’un son vraiment puissant, du type de certains fortissimo de Liszt, un handicap très relatif quand on connaît son aversion pour ce répertoire. La position à plat des mains oeuvrait dans le même sens, afin d’obtenir un son très net, au détriment de la puissance des doigts.


Glenn Gould était indiscutablement un virtuose mais son refus de jouer les grandes oeuvres de Liszt ou de Rachmaninov, sorte d’exercice imposé à tous les pianistes virtuoses, déclenchait parfois les railleries de la critique. Sa technique particulière était tout entière tournée vers l’articulation, la précision, la dextérité et le contrôle, au contraire des feux d’artifices des grands concerti lisztiens, tous en virtuosité extravertie. Prenant les critiques à contre-pied, Glenn Gould allait jusqu’à déclarer qu’il se considérait comme tout sauf un pianiste : un écrivain, un compositeur, un personnage de radio qui jouait du piano à ses heures perdues tout en lui préférant l’orgue ou le clavecin. Gould confessait souvent qu’il s’entraînait très peu, concentrant son activité sur l’écriture, et ses autres préoccupations. A noter : II composa lui-même quelques oeuvres, Il n’a jamais véritablement pris confiance en lui-même en tant que compositeur, tandis qu’il était tout à fait conscient de ses qualités d’interprète. Il était persuadé de ne parvenir qu’à imiter les compositeurs qu’il admirait sans parvenir à se trouver un langage propre et trouvait cette activité fastidieuse, d’autant qu’il composait très lentement.

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.