Le désir d’une troupe

La compagnie de l’Astrolabe est un collectif composé de trois acteurs, d’un metteur en scène, d’un musicien et d’une éclairagiste.
Un collectif, dans quel sens ?
Nous discutons de nos désirs et de nos envies. Nous débattons de ce qui nous entoure, de l’actualité, de nos métiers. Nous échangeons sur nos rêves, et sur nos peurs aussi. C’est éprouvant parfois, pas simple, mais cela est source de réflexion, et d’échange et cela nous permet d’aller plus loin.
De ces discussions est née la nécessité pour nous de parler du monde dans lequel nous vivons.
De se dire que dans notre prochain spectacle, après avoir monté Molière et défendu certaines valeurs, nous aimerions questionner le monde d’aujourd’hui.
Questionner ce qui nous révolte dans cette société.
Le thème que nous avons décidé de traiter est celui du monde du travail et les souffrances liés à celui-ci.

Le choix de Débrayage

Cette pièce a cette agréable particularité de nous renvoyer à nos propres expériences, à celles de nos connaissances, ou de nos familles.
Nous avons tous des proches touchés par les nouvelles souffrances liées au travail : stress au boulot, intensification des cadences, harcèlement moral, peur de la sanction, peur du licenciement, chômage…
C’est une pièce composé de plusieurs tableaux qui parle d’hommes et de femmes sous pression, prêt à exploser et des dommages collatéraux du travail sur la vie de ces gens.
Elle y traite de l’exclusion et de ses conséquences : exclusion du monde du travail, exclusion d’une société normalisée par des codes , exclusion d’un langage qui est celui de la rentabilité économique.

Quelques tableaux de Débrayage

Un homme annonce à sa femme qu’ils ne partiront pas en vacances à cause de la pression exercée par son patron. En effet, il doit rendre un dossier sous 3 jours sans quoi il risque d'être licencié…
Un chômeur récemment licencié interpelle un « chasseur de tête » afin de comprendre le « mécanisme » de ce licenciement massif…
A la suite d'une longue joute verbale, une femme en vient à injurier son supérieur. Celui-ci lui faisait remarquer son désir un peu trop pressant de quitter son poste…
Une autre femme fait passer un entretien d’embauche pour un futur parc d’attraction à deux nouveaux chômeurs et choisit celui qui, semble t-il, se soumettra le plus facilement…
Un homme, paranoïaque, en vient à se demander s’il ne devrait pas se dénoncer à la direction, sentant monter en lui une hostilité à l’entreprise dans laquelle il travaille…

L’intérêt

Cette pièce me parait très intéressante pour différentes raisons.
Elle n’est pas moralisatrice, elle reste à distance de son sujet sans jamais tomber dans le plaidoyer ou le manifeste, elle est d’un humour corrosif, elle met en scène des situations absurdes.
Débrayage est un texte particulièrement efficace dans le genre tragicomique, car comme le dit Rémi de Vos citant Beckett “rien n'est plus drôle que le malheur”.
En effet, ce sujet pourrait être dramatique, mais Rémi de Vos choisit d’en rire, d’un rire corrosif, grinçant, cynique voir décapant.
Et cet humour permet de mieux voir l’absurdité du système mis en place dans le but de notre avilissement.

Les acteurs

Au centre de ce projet, le jeu des acteurs prend toute son importance.
C’est de leur présence physique, de leur capacité à se projeter dans une situation d’excès, de déséquilibre, c’est à partir de leurs failles et de leurs fragilités que va surgir l’essence même des thèmes abordés dans Débrayage : la solitude humaine, l’angoisse de la manipulation, la volonté de révolte.

Le décalage

Pour éviter l’écueil du sketch afin d’être plus universel et ainsi plus percutant, il faut se garder le plus possible de tout réalisme.
Le décor est constitué de trois panneaux mobiles en métal perforé qui permettent de fabriquer des espaces (un bureau, une rue,…) et qui par leurs transparences peuvent aussi servir à voir un intérieur (d’appartement par exemple).
Tout est manipulé à vue par les acteurs-régisseurs.
Les régies sons et lumières sont sur le plateau et peuvent servir, si besoin, de table ou de bureau pour les scènes.
Les costumes sont composés d’une base neutre auquel s’ajoute un élément de costume pour signifier tel ou tel personnage. Ces derniers sont disposés à cour et à jardin sur des perches, les changements de costumes se faisant à vue.
Trouver ainsi comment toutes ces forces travaillent ensemble pour raconter ces moments de vie écrit par Rémi de Vos

Des parenthèses poétiques

Qui dit tableaux, dit intermèdes, transitions.
Nous travaillerons en improvisation et avec notre chorégraphe Leonardo Montecchia afin de trouver ces transitions muettes, chorégraphiées, imagées et symbolisées Ce seront les parenthèses poétiques et imaginaires qui évoquent les fantasmes et les rêves des personnages…
Et aussi afin d’aérer et de créer une distance avec le sujet.

Nicolas Pichot