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Dans la nuit la plus claire jamais rêvée

mise en scène Yves Lenoir

: Note de présentation

La poésie de Philippe Jaccottet fait aujourd’hui l’objet d’études innombrables. Pourtant, il n’y a jamais eu, à notre connaissance, de spectacle créé à partir des textes de Philippe Jaccottet. C’est bien dommage, quand on sait que son nom est régulièrement cité comme un Nobel de littérature possible et quand on sait que Philippe Jaccottet va rejoindre cette année le cercle très restreint des écrivains édités en Pléiade de leur vivant...


Certes, les artistes comme les programmateurs avouent manquer de courage lorsqu’il s’agit de se lancer dans ce langage qu’est la poésie. Ils l’avouent. Certes, la gageure avec Philippe Jaccottet est de taille : son style si référent semble a priori tellement éloigné du monde du spectacle. Et pourtant, qui mieux que lui, pose sans détour les questions fondamentales de l’homme. Chez Philippe Jaccottet, la poésie relève autant de l’ordre de l’intellect que du physique et de l’organique. Dès lors, c’est dans cette dialectique que notre projet Dans la nuit la plus claire jamais rêvée… a pu trouver un corps et une forme dramaturgique : celle du dedans et du dehors.


L’équipe regroupée autour de Patricia Dallio, initiatrice du projet, se connaît bien. Des liens solides tissés au fil des projets unissent les différents acteurs. Le nom du poète a été soufflé par Yves Lenoir, le metteur en scène, quand Patricia Dallio imaginait prolonger l’aventure du « Stabat Mater Furiosa » de Jean-Pierre Siméon. Déjà, il y était question de rapports entre le texte et la musique. Pourtant il s’agit bien à chaque fois de créer une oeuvre nouvelle, c’est-àdire une forme destinée à un plateau de théâtre, avec les contraintes dues à cette écriture singulière qui touche autant à l’émotion qu’à la réflexion philosophique.
Patricia Dallio est compositrice, elle crée sur ses propres machines des compositions très ouvragées qu’elle rejoue ensuite comme n’importe quelle interprète, grâce à la précision de ses capteurs. Elle crée aussi avec et pour d’autres musiciens. Pour ce nouveau projet, elle a demandé à Ben Jeger de l’accompagner à la harpe de verre et à l’accordéon, deux instruments aux antipodes des sons synthétiques générés par ses machines. Yves Lenoir travaille quant à lui généralement pour l’opéra, le genre lyrique par excellence dans lequel la poésie du livret trouve sa forme dramatique dans la musique même. Le « lyrisme », c’est-àdire, ce genre où « la voix est action » est donc pour l’équipe du projet le centre convergent de leur recherche et le genre qu’ils maîtrisent sans doute mieux que quiconque. Quant au scénographe, Thierry Vareille, il procède comme le peintre par petites taches de lumière. Il dessine dans le cadre d’une fenêtre un espace sur lequel apparaissent quelques phrases du poète, les notes égrenées des musiciens ou la silhouette de l’acteur.


Au regard de nos choix définitifs, il y a finalement dans notre projet assez peu de textes et beaucoup de musique. C’est une intuition que nous avions eue dès le départ et qui s’est vérifiée à l’épreuve de nos premières lectures. Nous voulions créer une oeuvre claire, aérée, presque transparente. Il faut également souligner que notre corpus a trouvé un juste équilibre entre les poèmes proprement dits, les textes en prose et les dernières palinodies de l’auteur. Cela n’était pas forcément voulu. Tous ses choix ne veulent rien dire en tant que tel mais ils sont là au service de notre proposition. En effet, nous avons écarté d’emblée les dramaturgies qui font immédiatement « sens », les dramaturgies à problème, à message. Nous ne voulions pas non plus donner l’impression d’une trajectoire ou d’un chemin ; cela aurait été trop théâtral… presque ridiculement épique. Nous ne voulions pas d’un spectacle méditatif ; cela aurait encore été un non-sens. Alors nous avons créé une oeuvre poétique, c’est-à-dire une oeuvre qui trouve son sens dans les liens, les échos, les contrepoints que suscitent les mots avec la musique, les mots avec le plateau, la musique avec le plateau. C’est-à-dire une oeuvre qui consiste à faire apparaître le sens plutôt que le montrer. Tout cela relève du génie de la composition et de l’organicité globale.


Nous n’allons pas donner toutes les clés de notre spectacle mais ajoutons deux ou trois mots tout de même pour préciser ce que nous avons fait : pour l’acteur, Lionel Parlier, cela se traduit par une errance continuelle sur le plateau, des ombres, des absences, une présence transparente qui révèle le poème plus qu’il ne le dit. Pour les deux musiciens, il s’agit de faire entendre l’obsession d’une mesure comme un pas silencieux. Les ponctuations espacées, les thèmes leitmotiv, le contrepoint de l’instrumentarium acoustique avec les timbres particuliers des machines, stimulent, interrogent et offrent la possibilité d’aller repêcher soi-même dans les silences, l'essence des poèmes.


Une année s’écrit au fil des saisons et chaque saison est riche de ses multiples couleurs. Dans la nuit la plus claire jamais rêvée… est un spectacle de toutes les saisons. Il sera créé à l’automne prochain au Nouveau Relax, scène conventionnée de Chaumont et partira en tournée à l’hiver et au printemps 2012. En parallèle aux propositions qui font le jeu du dialogue, il nous semble nécessaire de faire entendre une parole qui va droit à l’essentiel, une parole parallèle, une parole poétique. À partir de cette parole, celle du poète Philippe Jaccottet, Dans la nuit la plus claire jamais rêvée… est un spectacle qui laisse au spectateur le soin de recréer ce qu’il voit et ce qu’il entend. C’est à lui de définir une perspective. Parce que la perspective n’est pas une découverte. Parce que la perspective reste à inventer.

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