Comme pour les précédentes éditions, ils ont lu une petite annonce chez leur commerçant, dans le journal de quartier ou je l'ai les rencontrés dans un club d'activité pour personnes âgées. Ils ont plus de soixante-dix ans et vivent dans le 18earrondissement comme disait l'annonce. Aucun n'est ancien professionnel du spectacle.
Je leur ai parlé du projet, de ce que j'attendais.
Ils m'ont dit oui.
Je les ai tous vus en tête à tête autour d'une table trois fois une heure et demie. J'ai noté sur un bloc tous ces morceaux de vie qu'ils m'ont racontés.
J'en ai choisi certains et laissé d'autres. Puis, nous nous sommes retrouvés sur le plateau et durant une quinzaine d'heures, ils ont appris l'agencement de ces "bouts", l'articulation de ces tranches de vie.
Ils ont accepté d'être là, juste présent devant vous, avec leur corps et leurs mots. C'est tout.

Les vieux représentent un immense réservoir d'informations, de souvenirs. Quatre-vingts ans de vie égalent une foule de visages, de noms, de corps, de parfums. Dix vieux, c'est dix fois plus de mémoire ; une véritable médiathèque.
Ils sont à la fois bibliothèque, vidéothèque, discothèque.

Faire remonter à la surface des bribes, des bouts comme les tapisseries anciennes qu'on retrouve en décollant les suivantes dans une maison en travaux.

Ne rien demander à part " je me souviens..."

Juste agencer le tout. Faire en quelque sorte comme un documentaire social traité, théâtralisé. Au bout du compte se souvenir aussi qu'ils ne naissent pas vieux un jour, mais que nous le devenons, tous.

Didier Ruiz