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Cible mouvante

mise en scène Olivier Boudon

: La Pièce

« Cible Mouvante » pourrait être un thriller d’anticipation. Des adultes semblent alimenter et véhiculer une crainte féroce envers les enfants âgés entre 10 et 12 ans, et particulièrement vers l’une d’entre eux. Ces derniers auraient remplacé la puberté par des actes de violence et de terrorisme, mal dont visiblement personne ne connaîtrait les causes. Ces adultes ne savent plus comment agir face à cette menace (une pré-adolescente) et tentent alors de comprendre et de se défendre. Entre paranoïa existentielle et recherche d’une sécurité apparente, ils vont tenter d’empêcher que quelque chose de pire n’arrive... « Après tout, elle avait déjà dix ans. »


Ainsi, dans « Cible Mouvante », la capacité humaine de se projeter, basée sur la confiance et entretenant le sentiment de sécurité, devient le ressort du drame, ou de la satire. Tout délire entraîne avec lui un monde possible. Et la peur ici de perdre la confiance et la sécurité se justifie en s'auto-réalisant, c'est-à-dire en personnifiant, à travers la victime, la destruction de la confiance et de la sécurité. Ce sont, pour ainsi dire, des personnages qui sont donc amenés collectivement à réaliser leurs peurs les plus profondes et à rétablir, par le crime, leur sentiment de sécurité. Or ce n'est rien d'autre que la peur de vivre qui les anime. C'est donc à la destruction de la vie que s'attache leur recherche de sécurité, basée sur l'incapacité de faire confiance à ceux qui ne nous ressemblent pas, ou que l'on ne comprend pas.


La jeunesse a toujours été l’objet soit de déception, par sa léthargie, soit de peur, quand son ardeur a été utilisée au nom du changement. Comment se pourrait-il que cet objet du désir se détache et devienne terroriste ? S’il y a des exemples d’une jeunesse qui pose des bombes, elle reste sporadique et ses membres étaient plus vieux que dans « Cible Mouvante ». Ici, dans ce texte, l’âge de prendre les armes est évalué à dix, douze ans, au moment crucial où le corps et la personnalité changent. Et leur «terrorisme» n’est finalement jamais explicite. Cette paranoïa ne serait-elle que le fruit d’une manœuvre visant à discréditer et à marginaliser cette jeunesse dont on ne saura plus tard que faire et qui pourrait éventuellement faire table rase? Ou bien ces enfants ont-ils vraiment besoin d’exploser pour grandir ? Se détacher de ces parents est-il en lui-même un acte de terrorisme? En ce sens, le conflit entre l’ignorance des données du problème et l’imprévisible qui sous tend tout changement pendant l'adolescence fait perdre aux deux parties la confiance naturelle qui régnait jusque là. Ce qui les amènera à considérer des faits insignifiants comme des signes de danger. Et révèlent la consistance de ce monde: un monde dangereux dans lequel le bien le plus valorisé est l’apparence de la sécurité. Ainsi, à chaque possible résolution bienheureuse du conflit répondra une politique du pire, qui finira par l’emporter.


La peur peut-elle donc à ce point briser les relations entre les générations ? Dans la pièce, le futur sera sacrifié sur l'autel d'une raison pervertie, qui confond la sécurité et l'immuabilité de son propre confort. Conséquence : l'autre (et la figure de l'autre) devient la menace par laquelle l'identité, vue comme le bien le plus précieux, est mise en danger... L'ironie veut que ce soit au sein même du « soi » que l'altérité est présente, dans la figure des enfants. Ces derniers prennent donc le rôle, essentiel à tous fonctionnement de groupe, du bouc émissaire. L’actualité brûlante à ce sujet ne fait que confirmer cette tendance immuable à toute société humaine. La mise à l’écart et la stigmatisation ont cette vertu de rassurer la majorité sur sa propre sécurité et la sauvegarde de son petit confort. Le danger qui a un visage peut enfin être tenu à l’écart. Ouf ! j’ai moins peur. Évidemment, ici, tout se complique car c’est au sein même de la cellule de transmission et de reproduction que le mal s’est implanté... Nos enfants chéris sont pris d’un mal étrange... Ils sont pourtant si mignons! Alors comment tenir à l’écart et se débarrasser de ce qui fait partie de nous-mêmes ?

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