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Célébration

+ d'infos sur le texte de Harold Pinter traduit par Jean Pavans
mise en scène Valentin Rossier

: Présentation

ENTRE AMUSEMENT ET DÉGOÛT
Notes de Valentin Rossier



Un restaurant branché au cœur d’une grande ville européenne…
Pièce de situation, Célébration propose une forme de huis clos. Par cette allégorie d’une démocratie arrogante et vulgaire, Harold Pinter dénonce la suprématie du gouvernement de Blair et de Bush sans jamais l’énoncer. Conseillers en stratégie, banquiers, secrétaires, femmes vouées à l’humanitaire, hypocrites au service de l’argent, tous ces personnages servent la représentation de l’égoïsme d’une société basée sur de fausses valeurs démocratiques : argent, sexe, pouvoir, et bien sûr, le cynisme qui va avec !


Une pièce qui ne charrie aucune morale ni prise de conscience, et c’est bien sa force : elle ne fait que célébrer l’amertume du pouvoir. Comme privés de tout sentiment, ces personnages nous amusent et nous dégoûtent tout à la fois. Ils sont d’une impudence redoutable. Au fil de la lecture, un mal-être surgit sous le poids des sarcasmes vitriolés. Heureusement le serveur - personnage axial - par ses interventions où l’humour se mêle à l’absurde, nous apporte quelques respirations salutaires.


- Elle m’a mené par le bout du nez, c’est tout.
- C’est drôle. Je pensais qu’elle te menait plutôt par le bout du nœud.




UNE IMPECCABLE MÉCANIQUE DE CONCISION
Jean Pavans, traducteur


On trouve dans Célébration tout l’aboutissement actuel de cet art dramaturgique qui fait d’Harold Pinter l’auteur dominant du théâtre anglo-saxon depuis plus d’une quarantaine d’années : une impeccable mécanique de concision percutante et d’ironie acerbe, où les répliques fusent, se croisent et dérapent à la surface d’une réalité autre que celle qui est apparemment exprimée.




DE L’AMBIGUÏTÉ DU LANGAGE
Harold Pinter, extrait du recueil Autres Voix, éditions Noir sur Blanc


Le langage est une affaire hautement ambiguë. Souvent, se trouve sous le mot effectivement dit la chose connue et non dite. Mes personnages me racontent tant de choses et pas plus, eu égard à leur expérience, leurs aspirations, leurs motifs, leur passé. Entre mon manque de données biographiques sur eux et l’ambiguïté de leurs dires s’étend tout un territoire, qui n’est pas seulement digne d’exploration mais qu’il est obligatoire d’explorer. Les personnages qui se développent sur une page, comme vous et moi, sont la plupart du temps inexpressifs, repliés sur eux-mêmes, peu fiables, fuyants, évasifs, obstructionnels, rétifs… Mais c’est de ces caractéristiques que naît un langage. Un langage, je le répète, où autre chose est dit sous ce qui est dit.


LA PASSION DES MOTS
J’aime les mots, cette passion m’a accompagné toute ma vie. Je me sens toujours aussi excité maintenant par des mots sur une page, ainsi que par la page blanche et les mots qui pourraient la recouvrir. Chaque page blanche est un monde inconnu dans lequel vous vous apprêtez à plonger. C’est un défi permanent.


Quelques « brèves »


Tout ce qui concerne la pièce se trouve dans la pièce.


Il n’y a pas de fin au sens. Un sens qui serait décidé, empaqueté, étiqueté et prêt à l’exportation est mort, hors de propos… et insensé.


Nous devons nous montrer très prudent. Le destin ne demande qu’à nous écraser et se montre très efficace.


Plus l’expérience est aiguë, moins elle s’exprime.




OH ! SUPERMAN
Propos d’Harold Pinter diffusé sur Channel 4, pour OPINION
(à propos de la politique étrangère des Etats-Unis)


[...] Les relations que les USA entretiennent avec certains dictateurs amis suivent un schéma classique. Vous installez votre petit dictateur, vous lui construisez des chambres de torture, vous lui envoyez vos experts et vos conseillers, il tue autant de milliers de personnes que vous le jugerez tous les deux nécessaire, les gens sont matés et tout va parfaitement bien. Il y a une société stable, une économie stable et vous pouvez faire des affaires. Cette situation dure quelques années, jusqu’au jour où le dictateur commence à vous énerver. Il a la tête qui enfle. Il ne fait plus exactement ce qu’on lui dit de faire. On découvre qu’il trempe dans des affaires de drogue (quelle surprise !) Il commence à vous insulter. Vous décidez donc de la déstabiliser, et vous vous débarrassez de lui. Dans le cas de Panama, par exemple, vous allez le chercher vous-mêmes. Et vous réussissez à tuer un bon millier d’innocents au passage. Quoi qu’il en soit, vous ramenez effrontément ce chiffre à deux cents. Même s’ils avaient été effectivement deux cents, il se serait agi de deux cents innocents, mais, à Panama, ils étaient un millier de victimes et vous n’en avez avoué que deux cents. Mais, comme vous le dites : « Nous agissons ainsi parce que nous croyons à la démocratie. »


Ce qu’il convient de retenir, c’est que les États-Unis ne se sont jamais beaucoup embarrassés de « considérations morales ». Ce ne sont pour eux que des chichis. Les États-Unis croient en l’action, et ils agissent comme bon leur semble.


Les termes utilisés pour justifier ce genre d’action sont simples et accessibles : « Nous protégeons la Chrétienté contre le Communisme. » [...]


[...] Comparez maintenant cette situation avec l’état des Droits de l’homme au Guatemala et au Salvador. Au Guatemala, il faut bien parler de génocide à l’encontre de la population indienne. Hommes, femmes et enfants y ont connu les pires brutalités imaginables et les massacres au point qu’on arrive à 160 000 morts et disparus pour les seules vingt dernières années. Au Salvador, la situation est tout aussi tragique. D’après les dossiers, il y aurait eu là-bas entre 70 000 et 80 000 morts pour la même période. Au Nicaragua, la guerre de la Contra a fait plus de 30 000 morts et plus de 5 000 mutilés à vie. La plupart de ces victimes ont été violées, écorchées, décapitées, éventrées. Le président Bush n’a pas parlé d’elles lorsqu’il a félicité Mme


Chamorro de sa victoire. Pratiquement personne n’a pris la peine de les évoquer.


Ainsi, dans cette petite région d’Amérique centrale, près de 300 000 personnes ont été tuées au nom de la démocratie et de la liberté au cours des vingt dernières années. Mais maintenant, soyons très clairs sur les raisons de ces tueries : ces gens ont été tués parce qu’ils dérangeaient. Ils ont été tués parce qu’ils croyaient en une vie meilleure pour tous et que cette croyance les rangeait automatiquement dans le rang des communistes. Il est très étrange et d’une ironie cruelle qu’au moment où le système communiste s’effondre en Europe de l’Est, et où tout le monde parle de la mort du communisme, les Américains soient aussi difficiles à convaincre. À Washington, on croit encore qu’il reste plein de communistes en Amérique latine et l’on considère qu’ils ne méritent pas de vivre. Qui sont ces gens ? Les pauvres, bien sûr, et des prêtres, des travailleurs sociaux, des médecins, des syndicalistes, des journalistes, des étudiants, des enseignants, des poètes, des militants des Droits de l’homme. Ils représentent une menace pour une société stable. Ils constituent un danger pour la bonne marche des affaires. [...]


[...] Les USA ont tout naturellement accueilli très positivement les efforts des pays d’Europe de l’Est vers l’autodétermination. Tout le monde avait été horrifié par l’invasion soviétique de la Tchécoslovaquie en 1968. Mais ce que Washington a fait au Nicaragua correspond exactement à ce que Moscou avait fait en Tchécoslovaquie en 1968, à la différence près que les États-Unis ont choisi une autre méthode. Au lieu d’envoyer des chars, les USA ont détruit les services de santé, ruiné l’économie nicaraguayenne et terrorisé la population.

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