Le premier acteur de la pièce de David Harrower est le spectateur, car il ne sait rien de l’histoire quand elle commence, il ne sait pas qui sont les personnages et le lieu de leur rencontre est improbable… Avec ces incertitudes comme base, le spectateur doit utiliser ses a priori et son jugement pour fabriquer la cohérence nécessaire à l’histoire. Cette histoire, qui s’est passée quinze ans auparavant, lui est racontée par ceux-là même qui l’ont vécue. Lors de cette rencontre, ils témoignent d’eux-mêmes et le spectateur ne connaît pas les enjeux de ce duel verbal. Ce double temps narratif, le témoignage quinze ans après, permet de mettre à jour les motivations des protagonistes, leurs actes et les conséquences de ces actes. Le spectateur est comme un juré de tribunal, il doit se faire son opinion sur ce qu’il entend et voit. Il doit choisir où est la vérité dans ce qui lui est dit. C’est toute la qualité de l’écriture de David Harrower que de mettre le spectateur face à lui-même à travers cette fiction si proche du réel.